Jazz du coté d’Ornette, Clément Janinet, vers un bestiaire, Matthieu Donarier, pour finir en transhumance avec Florian Chaigne


Modernité de Ornette.

Un titre d’album comme « Ornette under the repetitive skies III » ne peut qu’attirer l’attention. Il est signé Clément Janinet, violon, mandoline et percussion pour se dire que Ornette Coleman exerce toujours son influence, que son fantôme ne veut pas disparaître. Il ne faut cependant pas cacher que les compositions de Janinet regardent aussi vers plusieurs cieux, ceux de la musique répétitive ou même des comptines, berceuses qui racontent, avec candeur, ces contes qui se disent pour enfant comme ce « Quiet Night ». Ils contiennent pourtant une grande partie de la misère du monde comme de nos tourments.
Hugues Mayot, saxophone ténor, piano, percussion sait aussi évoquer les mânes de Albert Ayler, le violon la musique arabo-andalouse pour s’envoler vers la transe. L’assise rythmique, Joaquim Florent, basse et Emmanuel Scarpa, batterie, vibraphone, participent pleinement aux explosions de rage, de plaisir pour construire un discours musical original.
Nicolas Béniès
« Ornette under the repetitive skies », Clément Janinet, BMC Records

Musicanimale

Matthieu Donarier, saxophone ténor, clarinet s’est lance dans des « Explorations » pour former, créer un « Bestiaire #01 » – qui annonce une suite – musicale à partir des sons des animaux. Un élargissement à Messiaen prenant pour base de ses compositions les bruits des oiseaux. Ici, c’est le prologue, le voyage, l’exploration de l’environnement. Pour l’instant, Matthieu campe le paysage. Une musique concrète faite de bruits de notre réalité mâtinée de ceux de notre imaginaire. Nous avançons, en même temps que Eve Risser, piano, Karsten Hochapfel, violoncelle et Toma Gouband, batterie et « stones plants », dans des décors qui évoluent en même temps que se transforme notre « vision auditive », la construction d’un monde à partir des sons qui prend possession des oreilles et de nos yeux internes. A la fin de ce début de voyage, on se demande quel bestiaire naîtra. On attend la suite. Pénétrer dans cette réalité est une démarche nécessaire.
NB
« Bestiaire #01/Explorations », Matthieu Donarier, BMC

Trouver sa voie
Florian Chaigne, batteur et compositeur, mêle les rythmes, trois temps décomposés, recomposés dessinant des transferts de paysages pour trouver les graines dont sa musique a besoin. « Transhumance », titre de l’album, pourrait aussi servir de devise pour nos sociétés qui, chacune à leur manière, ont besoin des autres pour survivre. L’enjeu est de définir une nouvelle culture mariant des traditions, des rythmes différents. Transhumance des générations, Juliette – la fille du batteur je suppose – participe directement à ce passage de témoins pour entrer dans un autre monde.
La batterie est, ici, l’instrument soliste capable aussi de dialoguer avec les autres instruments pour construire une musique de groupe qui fait référence à plusieurs types de jazz, mélange qui entraîne l’auditeur des sons qu’il connaît vers d’autres constructions. Pierre-Yves Mérel, saxophone et flûte, ne renie pas l’héritage de Coltrane et de Wayne Shorter pour glisser vers un ailleurs pas encore défini montre que la musique mécanique fait partie de son bagage, Carla Bley pointant le bout de ses doigt, Emeric Chevalier est le socle rythmique de tout le groupe, acteur essentiel de cohésion. Les titres des compositions dessinent aussi une cartographie qui vient habiter la musique. Les transhumances sont vitales.
Nicolas Béniès
« Transhumance », Florian Chaigne, Aloya Records/Inouïes distribution