Polars. Robin des bois et préservation des œuvres d’art sur fond de meurtres et de confinement

Arsène Lupin pas mort et Américain

Jeff Lindsay, le créateur de ce personnage singulier, « Dexter », tueur et policier, a décidé de changer de registre. Riley Wolfe est un voleur, tueur occasionnel et spécialiste du déguisement. Une personnalité bizarre, réellement sans définition sinon celle du moment et du personnage qu’il incarne, sans mémoire et sans émotions. Un être venu d’ailleurs. Pour cette première aventure, « Riley tente l’impossible » – un commencement qui ressemble à une fin – il se donne le défi de voler le diamant le plus cher du monde et le mieux gardé par les gardiens de la Révolution et par le FBI. Il réussit au prix d’un stratagème inédit et fondamentalement répréhensible moralement. Le personnage n’en est pas conscient uniquement préoccupé du but tandis que l’auteur y est sensible.
Avec une joie saine, Lindsay décrit le petit monde de la haute société newyorkaise, ses codes, son manque de savoir-vivre et sa manie des apparences. Le Arsène Lupin américain joue sur tous ces tableaux pour arriver à ses fins sans oublier le dark net, pour moderniser le personnage et l’intrigue.
Le plaisir est au rendez-vous même si les tours et les détours sont, quelque fois, un peu lassant, comme une musique qui aurait abusé de la succession d’accords pour remplir le vide. .
Nicolas Béniès
« Riley tente l’impossible », Jeff Lindsay, traduit par Julie Sibony, Série Noire/Gallimard


Enfermement et histoire

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Peter May, confiné comme tout le monde en cette année 2020, n’a pu poursuivre ses recherches pour écrire le livre qu’il avait en tête. Son éditeur réclamait pourtant son dû. Il s’est tourné vers Mona Lisa, la guerre et le travail de Maud Taillard de sauvetage des œuvres d’art du Louvre des mains voleuses de la hiérarchie nazie à commencer par Hitler et Göring. Prenant pour argent comptant une légende – ou une réalité ? – d’une copie de la Joconde pour préserver l’original des mains de l’occupant, il bâtit une enquête pour Enzo McLeod, son double écossais vivant en France, « La gardienne de Mona Lisa ». Une intrigue un peu machiavélique qui se devine pourtant facilement, tant l’auteur s’est laissé un peu envahir par la fatigue du confinement. Paradoxalement, son livre précédent, écrit en 2005 et publié en 2020, « Quarantaine », mettait au cœur de l’intrigue une pandémie commençant en Grande-Bretagne et posait des questions actuelles.
Il faudrait lire les deux enquêtes à la suite pour comprendre la nécessité de se replonger dans le passé, et ses histoires, de se plonger dans le sourire énigmatique de la Joconde, de son regard qui donne l’impression de vous suivre à la trace, de vous sonder pour trouver un sens nouveau à la vie.
Nicolas Béniès
« La gardienne de Mona Lisa », « Quarantaine », Peter May, traduit par Ariane Bataille, Éditions du Rouergue.