Plusieurs livres analysent l’idéologie dénommée néolibérale.
Bruno Amable, dans « La résistible ascension du néolibéralisme », veut participer de l’économie politique, alliant les différentes branches des sciences sociales pour analyser la « modernisation capitaliste et crise politique en France (1980-2020) ». La référence unique aux modèles néo classiques liés aux préceptes de la « loi du marché » qui réalisent « l’équilibre général » a conduit à une hypermondialisation facteur de désindustrialisation, de privatisations des services publics provoquant des besoins non satisfaits des populations. Les réactions sociales ont, en partie, bloquées le processus prévu. La protection sociale est restée forte en France et les attaques se poursuivent en même temps que les mérites du « modèle français » sont soulignés. La pandémie a rendu visible tous ces mouvements, toutes ces remises en cause tout en actualisant des revendications un peu évanouies comme la réduction du temps de travail. Amable appelle les tenants des politiques néolibérales des « Modernes » mais le virus a mis en lumière qu’ils représentent le passé.
L’accumulation du Capital est surtout financière. C’est l’une des caractéristiques fondamentales du système actuel. Fortunes financières qui provoquent la permanence et l’approfondissement des inégalités. Alain Bihr et Roland Pferfferkorn actualisent leur désormais classique « Le système des inégalités » en insistant, statistiques à l’appui, sur la réalité de nos sociétés. L’écart des revenus n’a jamais été aussi important, les inégalités homme/femme ont tendance à se creuser, constat amer en fonction des grandes espérances heureusement renouvelées dans les combats d’aujourd’hui. La politique mise en œuvre par Macron a, une fois encore, favorisé les plus riches, toutes les études récentes vont dans ce sens.La pauvreté de la rhétorique macronienne ne peut rien devant ces évidences. Brandir des moyennes ne peut servir d’argumentation. La moyenne est une des formes multiples du mensonge qui s’écrase sur la réalité.
Yves Pagès, dans « Il était une fois sur cent », qui se veut » des rêveries sur l’emprise statistique » revient sur toutes ces « mesures », sur la vision comptable du monde, sur l’affrontement en termes de « résultat » statistique pour démontrer que le pays, l’individu est le meilleur. Une réflexion philosophique sur un monde qui a quitté le terrain des valeurs, de l’éthique, de la morale pour s’engouffrer dans la concurrence qui atteint tous les aspects de notre vie. La mesure est devenue la règle.
Michel Dévoluy poursuit le même but à l’aide d’autres moyens.« L’économie : une science « impossible » » devrait devenir un manuel pour les étudiant.e.s d’économie et, plus généralement, de sciences sociales pour développer l’esprit critique face à une « science économique » qui se voudrait hégémonique et la seule à représenter le monde. Il déconstruit point par point les hypothèses sur lesquelles reposent ces modèles néo-classiques pour reprendre la terminologie en vigueur. Les manières de raisonner sont aussi passer au tamis de la réalité. « Déconstruire pour avancer », sous titre de l’ouvrage, est un credo nécessaire. Un travail d’utilité publique même si ces économistes sont en perte de vitesse tout en restant dominants.
Nicolas Béniès,
« La résistible ascension du néolibéralisme », Bruno Amable, La Découverte ; « Le système des inégalités », Bihr et Pferfferkorn, Manuels/La Découverte ; « L’économie : une science « impossible » », Michel Dévoluy, Vérone éditions.