Le plan Macron

Un plan « de réindustrialisation » ou « de campagne » ?

Le Président de la République a annoncé un plan d’investissement de 30 milliards sur 5 ans pour « mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre », suivant les termes du discours de présentation du 12 octobre. Objectifs ambitieux pour qui voudrait les prendre au sérieux. Ils supposent une stratégie industrielle en réorientant l’accumulation du Capital vers l’économie dite « réelle » en réglementant la sphère financière. La montée des indices boursiers montre les effets des crises et de l’incertitude se traduisant par le tarissement des investissements productifs. La reprise actuelle a été fortement dopée par l’intervention du gouvernement. C’est à l’État, par la discussion démocratique la plus large, de fixer les priorités essentielles en fonction des besoins des populations.

Les moyens à mettre en œuvre sont énormes. Pour lutter contre les mutations climatiques et la crise écologique, il faut créer de nouvelles infrastructures pour économiser l’énergie. Pour ce faire, l’investissement public est le seul possible. La crise systémique oblige à repenser le monde. Le retour au « monde d’avant » est une impasse mortelle.
Or, ce « plan » souffre d’abord de faibles crédits, de l’ordre de 5 milliards par an. Le but est le même que pour le CICE – Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – de Hollande, des subventions aux entreprises privées via BPIfrance, la banque publique d’investissement, sans conditionnalités. La question est pourtant celle d’agir sur les politiques des entreprises pour construire les réponses à toutes les crises.
Deux secteurs sont révélateurs. L’hydrogène d’abord. Le « plan » dégage 1,9 milliards, une somme ridicule si la finalité est de créer une filière pour cette production d’avenir. Il est prévu une subvention de 200 millions à l’entreprise Genvia, sise à Béziers, pour développer sa ligne pilote de production d’électrolyseurs à haute température, un courant électrique plongée dans l’eau. A moyen terme, cette entreprise deviendrait une méga usine sans s’interroger sur les conséquences pour l’économie française et européenne. Les prévisions, qui vont au-delà de 2030, font état de 6 mégatonnes de CO² d’économiser par an à condition de trouver les financements.
La relance du nucléaire en France intervient au même moment où l’industrie allemande fait le choix d’un développement de la production d’énergie sans la construction de centrales nucléaires. Les déboires, pour citer « Les Échos » du 9 novembre, du chantier de l’EPR de Flamanville, l’arrêt actuel de l’EPR – le premier au monde – de Taishan en Chine, une fuite de gaz rare, devrait faire réfléchir sur des innovations nécessaires pour la production d’électricité. La construction de SMR, Small Modular Reactor, des petits réacteurs nucléaire, dont la fabrication serait possible en 2035 alors que les projets de la Chine, de la Russie et des États-Unis sont déjà bien avancés.1 Le retard sera fatal à l’industrie française.
Dans le contexte du basculement du monde actuel dévoilé par la pandémie, un plan à long terme s’impose pour répondre aux enjeux. Le saupoudrage et la confiance aux seules entreprises sont mortels. Le retour au passé, au « monde d’avant », s’impose au lieu de rechercher des avenirs possibles. Mélanger les aides à plusieurs secteurs de l’économie, les transports avec « l’avion bas carbone », les start-up industrielles ou « investir dans une alimentation saine » n’a jamais fait une politique industrielle.
Quand, dans le même temps, se multiplient les déclarations sur « la nécessité de relancer les réformes » dont « le recul de l’âge de la retraite à 64 ans » (dixit le dernier rapport de l’OCDE sur la France), il est loisible de s’interroger sur l’absence de prise de conscience de la part des institutions internationales et des gouvernements de la nouvelle donne, après la pandémie, à laquelle nos sociétés sont confrontées, particulièrement sur les nécessités de la dite « transition écologique » comme du développement des services publics. Le fossé se creuse entre les « élites » bloquées par le passé et les populations conscientes des enjeux actuels. La crise politique se trouve accentuée.
La planification s’impose. La réponse à l’hypermondialisation ne se réduit pas aux « relocalisations » représentants là encore le passé mais à penser une nouvelle industrialisation. Cette vision stratégique passe par la rupture avec les schémas qui se sont imposés à la fin des années 1980. Le libéralisme économique qui passe par la prédominance du marché, est devenu obsolète. Il faut mettre l’imagination au pouvoir.
Nicolas Béniès.