Jazz : Archie Shepp entre toutes les mémoires du jazz

Musique de libération

Archie Shepp renoue avec le duo, ici le pianiste Jason Moran, pour une évocation de gospels qui chantent la libération de l’oppression, comme l’affirme le titre « Let My People Go ».
Archie Shepp, légende vivante du jazz – il n’aime pas, un rappel de son âge -, alterne, comme souvent dans ses prestations, entre saxophone soprano et ténor pour crier à la fois la force du jazz et revendiquer la reconnaissance nécessaire des droits des Noirs américains de vivre sur leur sol La sonorité de Shepp est toujours, malgré l’âge, bouleversante, jeune dans sa manière de creuser le son. Il donne l’impression d’être un spéléologue qui transmet les expériences des profondeurs comme si le centre de la terre pouvait s’exprimer. Des vibrations qui pénètrent notre corps en laissant quelques traces. Il est impossible de jurer que le virus est atteint, mais il est possible de le croire.

Dans cet enregistrement réalisé au festival de jazz de la Villette en septembre 2017 – une éternité – le duo organise un voyage dans les mondes du jazz en entremêlant les souvenirs des Églises noires, les gospels comme « Go Down Moses » qui va de pair avec « Let My People go », laisse libre mon peuple d’aller et de venir ou « Sometimes I Feel Like a Motherless Child », parfois je me sens comme un orphelin, qui ouvre l’album pour toustes les survivant.e.s des assassinés comme George Floyd. Les étapes suivantes ont nom Duke Ellington –Archie a joué avec l’orchestre à Paris, en 1969 et Duke voulait l’engager dans l’orchestre -, Thelonious Monk et, bien sur, le père putatif de Shepp, John Coltrane.
Il arrive à Jason Moran, compositeur de « He Cares », d’en faire un peu trop, de déborder – c’est difficile – Archie Shepp qui sait tout remettre en place sans démonstration de force.
Un album rempli de la mémoire du jazz et du blues, pour laisser percer une émotion subtile sans le besoin d’une pléiade de notes, chacun réussissant à faire passer l’essentiel. Une musique rare qu’il faut goûter toujours davantage.
Nicolas Béniès
« Let My People Go », Archie Shepp/Jason Moran, Archie Ball.