Faillites, suppressions d’emploi…
Apparemment, en cette rentrée, l’ensemble des secteurs de la culture repart, se relance. Angoulême fait son cinéma qui se terminera avec la rentrée scolaire des élèves, le jazz fait ses festivals, avec une réduction de la voilure par rapport au programme prévu en mars, au Mans (Europa Jazz) avec une affiche alléchante en deux parties, l’une en septembre, l’autre en décembre, L’Institut du Monde Arabe (IMA) prévoit l’Acte 5 des Arabofolies, « Soulèvements » qui verra la suppression d’une table ronde avec les femmes militantes du monde entier pour cause de… pandémie mais le thème est on ne peut plus actuel et la pluridisciplinarité habituelle sera renforcée par la danse pour exprimer la lutte nécessaire contre toutes les oppressions et faire le pari de l’imaginaire (du 16 octobre au 3 novembre).
Cerise sur ce gâteau appétissant, la rentrée littéraire affiche à son compteur quelques 510 romans – contre 540 l’an dernier. Le secteur de l’enregistrement par contre bat de l’aile. Les disques subissent une baisse spectaculaire des ventes, à l’exception du vinyle qui connaît une renaissance sur une niche, celle des plus aisés de la population. La cause se trouve dans la multiplication des plate-formes qui permettent d’écouter de la musique sans support habituel. La restructuration est ici, vitale et urgente.
Une apparence de normalité, de rebond qui ressemble fortement à la méthode Coué utilisée par Blanquer qui veut un « rentrée normale », sans moyen mais avec masque. La situation en forme de catastrophe des intermittents sert de révélateur même si le gouvernement a répondu momentanément en prorogeant leurs droits.
Les articles des journaux font état de quasi-faillite des institutions culturelles à commencer par Le Louvre, Versailles, Orsay… qui annoncent des pertes colossales dues, pour l’essentiel, aux 80% de baisse de la fréquentation (Les Echos du 28 août 2020). Elles se tournent vers l’État actionnaire pour venir à leur secours. Le cinéma, lui aussi, se trouve emporté par l’accumulation des difficultés qui ne sont pas seulement dues à la pandémie. Les professionnels du spectacle comptaient sur « Tenet » de Christophe Nolan pour relancer la machine à cash mais ce film à grand spectacle, ambitieux laisse sceptique. Pourtant, le thème s’inscrivait bien dans notre monde : deux mondes se percutent, celui d’avant et celui d’après pour faire exploser le présent ! Le succès ne sera pas au rendez-vous.
Le spectacle vivant essaie de faire face, comptant sur l’État pour rester présent, pour poursuivre et créer de nouveaux spectacles.
Le Premier Ministre, Jean Casteix, a répondu à cet appel en mettant deux milliards d’euros sur la table sur les 100 milliards du « plan de relance ». Il a annoncé au festival d’Angoulême 165 millions d’aide pour la profession, pour le cinéma sans détailler les mesures concrètes. C’est révélateur à la fois d’un changement profond de politique – il pleut des millions – et de prise en compte de la réalité du danger qui menace toutes les professions de la culture.
La COVID19 révèle, accélère et approfondit la crise qui se profilait avant même la pandémie. La culture était malade de la marchandisation. Les musées de service public sont devenus des sortes d’entreprise privée où l’Etat est l’actionnaire principal. Cette transformation oblige à faire du profit, à diffuser les critères du privé contre l’intérêt des populations. Les commémorations qui prennent la place du travail de mémoire et de l’Histoire dessinent un monde étrange éloigné de toute réalité permettant de créer des « produits dérivés » et des marchandises de souvenirs. La réécriture de l’Histoire est l’enfant de la marchandisation, de la négation des services publics. Un mouvement qui inclut l’absence d’analyse du présent et laisse la place à toutes les théories du complot.
La réponse se trouve dans la défense et l’élargissement de services publics pour permettre aux secteurs culturels d’exister sans le retour sur investissement, sans l’impératif de la rentabilité qui conduisent à des aberrations. Les théoriciens libéraux de l’économie ont essayé de « valoriser » la culture. Leur échec, visible avec la pandémie, oblige à mettre en œuvre d’autres critères que ceux du marché. Des critères de satisfaction des besoins fondamentaux des populations. La culture en est une composante essentielle. De même que l’ouverture aux autres civilisations pour créer des œuvres d’art qui permettent de forger de nouvelles règles, de nouvelles grammaires. Sinon, la définition de l’identité se fige et se ferme devenant une coquille vide.
Un combat citoyen vital pour construire un avenir.
Nicolas Béniès.