Jazz. Edward Perraud, batteur, renoue avec le concept d’album.

Partir vers d’autres mondes.

Un trio bête sur le papier, piano/contrebasse/batterie, classique. Un doute dés l’intitulé du leader, plus exactement du rêveur de la musique de départ, Edward Perraud. Le batteur a voulu former ce trio avec Paul Lay, pianiste qui n’en finit pas de faire la démonstration de son univers particulier en multipliant toutes les expériences et Bruno Chevillon qui sait tout des jazz, a tout retenu des modernités successives de cette musique et capable de faire référence sans jamais copier à tous les contrebassistes qui l’ont précédé à commencer par… Charles Mingus.
« Espaces », ce pluriel interroge. La lune et celui qui a marché dessus pour la première fois détruisant le rêve d’un satellite habité par nos fantasmes, les intervalles qui forment la musique, un autre monde à construire, la terre se détruisant… ? Le tout vraisemblablement et plus encore si vous faites confiance à votre imagination pour laisser libre vos émotions. Elles prennent tous les espaces pour habiter des compositions devenues collectives du trio qui ne se veut rien se refuser. La batterie, cet instrument du jazz, connaît tous les méandres des mémoires qui la constituent tout en sachant regarder vers l’avenir, vers le soleil qui brille d’un éclat inquiétant.
Edward Perraud a choisi ses compagnons de voyage pour explorer des terres tellement proches qu’elles en deviennent lointaines, pour visiter ces contrées d’une inquiétante familiarité. Il a voulu un album-concept comme obligeait la technologie nouvelle du 33 tours face au 78 tours. Le concept est changeant suivant que vous écoutez le CD ou le LP. Une expérience qu’il faut faire pour appréhender cette construction due à l’enchaînement spécifique des thèmes. Les photos du livret – signées Perraud – prennent aussi des significations mouvantes.
Signalons que « Melancholia » est en référence directe avec l’album « Money Jungle » qui réunissait Duke Ellington, Charles Mingus et Max Roach. Le trio nous mène de « Elevation » à « Singularity » pour dire que, pour se construire, il est nécessaire de passer par plusieurs étapes. La succession des compositions est pensée pour donner un sens supplémentaire à chacune, une manière de transcender chaque thème pour lui donner une autre dimension… dans l’espace.
Une facette inédite de Edward Perraud, un trio soudé.
Nicolas Béniès
« Espaces », Edward Perraud, Label Bleu, distribué par l’Autre Distribution