Jazz, quand le pianiste s’appelle Kenny Barron…

… il parle de sa passion.

Kenny Barron fête ses 75 ans – il est né à Philadelphie en 1943. Il se souvient du livreur de glaces. C’était le temps des glacières. Un livreur joueur de blues. Il s’installait au piano et faisait surgir, pour le jeune Kenny, tout un aréopage de sensations curieuses qui lui donnait envie de recréer cette atmosphère particulière. Les notes « bleues » comme les autres s’évadaient de tous les espaces connus pour changer les particules de sang en véhiculant des émotions nécessaires.
De ce contact et des leçons de son frère aîné William, Bill pour les intimes, auprès de qui il commença à se produire professionnellement, il en tira un style alimenté par l’écoute de Thelonious Monk – il me souvient d’une master-class où il expliquait comme jouer Monk – et de toutes les libertés que le jazz s’accorde qui en fait une musique évolutive et de son temps.
Les cercles concentriques – « Concentric Cycles » est le titre de cet album – qu’il propose reposent sur des métriques souvent latino, 6/8 ou brucbériennes 5/8,, même si la composition éponyme, « Concentric Cycles », est une valse pour dérouter l’auditeur en position « admiration » face à ces musiques décidées à couper le souffle.
Kenny réussit un mélange entre la pulsation du jazz, celle du Brésil et d’autres pour faire entrer dans son univers à nul autre semblable. En même temps – restons à la mode – il fait pénétrer dans ce chaudron, des quarantenaires – Dayna Stephens, au saxophone ténor et Mike Rodriguez à la trompette et au bugle – pour des rencontres intergénérationnelles essentielles à la survie du jazz. Pianiste et souffleurs, soutenus par les compagnons habituels de Kenny, Kyoshi Kitagawa à la contrebasse et Jonathan Blake à la batterie, font balader les mémoires qui se heurtent, s’approvisionnent l’une l’autre pour réaliser un album d’une force universelle.
Un album qui restera, un album de chevet.
Nicolas Béniès
« Concentric Cycles », Kenny Barron quintet, Blue Note/Universal.