Compléments au souffle de la révolte

Bonjour,

La parution n’est pas pour demain. Pb de mise en page, d’arrivée d’argent… Le livre – qui sera le plus épais de tous ceux que j’ai écrit et sera le résultat de plusieurs années de travail et de réflexions – devrait être là bientôt. Ce terme est volontairement flou. Il était annoncé au salon du livre de Caen mais il faudra attendre la mi-juillet selon toute vraisemblance.
Encore quelques compléments qui ne changent pas ce que j’i écrit mais qui éclairent quelques aspects des rapports raciaux aux Etats-Unis. Ici, un livre de Didier Combeau, « Polices américaines », un pluriel qui interroge dés l’abord.

Dans « Polices américaines » (Gallimard, collection « La suite des temps »), Didier Combeau insiste sur les différences de construction de l’État entre, notamment, la France et les Etats-Unis. Il décrit les responsabilités des structures administratives dans les tâches de maintien de l’ordre au détriment de l’État fédéral. États, county, municipalités ont la main sur les forces dites de l’ordre. Il met aussi en lumière les changements qui ont suivi les scandales de corruption. La police a servi de rabatteurs pour les élections pour devenir des forces au services des capitalistes. Ainsi, écrit-il pages 51-52 « A la fin du 19e, les villes américaines sont dirigées par des « machines » politiques, sous la coupe de patrons « boss », qui érigent le clientélisme et la corruption en système de gouvernement. » la corruption touche la police. Les nominations d’agents sont politiques et ils viennent pour la plupart de l’immigration irlandaise, allemande dans une moindre mesure.
L’imagerie populaire s’est emparée de ce fait pour en faire un cliché. Le flic (cop) es irlandais et se trouve au service des puissants et non pas de la population.
Dans un premier temps, les agences privées, comme Pinkerton, ont fait le travail du futur FBI pour se mettre au services des chefs d’entreprise dans la répression des grèves. Dashiell Hammett, détective dans les années du début du 20e siècle dans cette agence, n’a pas dû gouter ce travail de répression, à l’origine sans doute de sa démission. Il en profitera pour créer le genre du polar « dur-à-cuire », « hard-boiled » dans sa langue, loin de toutes les ratiocinations d’un Hercule Poirot qui pouvait résoudre un problème policier en ne sortant pas de chez lui. Chez Hammett tout se passe sur le terrain en se méfiant de toutes les apparences.

Dans la gestion du marché du travail, Combeau note l’utilisation de la main d’œuvre africaine-américaine lors des grèves de 1917. Je mentionne dans « Le souffle de la révolte », un roman de James Lee Burke qui narre une expérience similaire en une autre contrée et à une autre époque. Même si le racisme préexistait, cette politique patronale estompe les rapports de classe pour ne laisser visible que les rapports de race. Didier Combeau donne l’exemple de East Saint Louis dans l’Illinois (qui explique aussi beaucoup de titres dont la composition de Duke Ellington « East Saint Louis Toodle OO » de 1927) : « les entreprises ont fait venir des travailleurs noirs en masse pour briser les grèves. Le bruit d’une attaque par les Blancs se répand (…) De jeunes Blancs tirent en effet des coups de feu sur les logements occupés par des Noirs. Des policiers en civil interviennent. (…) L’un d’eux est tué et une foule de Blancs s’assemblent pour le venger. (…) En 4 jours 9 Blancs et plus de 25 Noirs y perdent la vie. En 1919, poursuit-il, c’est un incident entre des enfants sur une plage qui déclenche les émeutes de Chicago qui font prés de 40 morts. L’été de cette année est surnommée « l’été rouge », à la fois allusion à la couleur du sang (…) » et de l’influence supposée des bolcheviques. Un thème qui restera. 38 émeutes raciales pour cette année 1919 recensées par le New York Times.

Pour les années 1920-30, il écrit, page 115 et suivantes : « Lorsqu’en 1917 les deux chambres votent à la majorité des deux tiers le 18e amendement à la Constitution qui interdit l’importation, la fabrication, la vente et le transport des boissons alcooliques, 26 États regroupant 60% de la population sont déjà « secs »(« dry »). (…) Le Congrès adopte le Volstead Act qui limite le titrage alcoolique à 0,5 %. Il entre en vigueur le 16 janvier 1920 : la prohibition nationale commence et la loi est violée à peu près aussitôt. Le gouvernement fédéral n’a pas les moyens de l’appliquer.  »
Grâce à la Prohibition, Al Capone à Chicago devient un entrepreneur puissant. Exclu de la société américaine, il exerce ses talents à l’intérieur de la pègre. Il pousse la guerre économique à son stade ultime en supprimant ses concurrents. « Mascarade » – dont nous parlerons dans un autre complément – de Ray Celestin centre son quasi reportage sur le Chicago des années 1926 pour décrire à la fois la pègre, le jazz, les changements qui s’effectuent notamment la fin de l’alcool et les débuts du trafic de drogue mais aussi ces gangsters qui veulent se faire accepter par la haute société. (Réédité par 10/18)

La législation américaine est une curiosité pour les centralisateurs français : l’État de New York en 1923, Le Montana en 1926, le Wisconsin en 1929, le Massachusetts, l’Illinois et le Rhode Island en 1930 ont aboli leurs propres lois de prohibition. Pour lutter contre la corruption qui touche les forces de police. Au-delà, cette législation n’est pas comprise. Ne pas la respecter n’est pas ressenti comme une illégalité mais comme une nécessité.
Le 21e amendement abroge le 18e en 1933. Le Mississippi sera le dernier à abroger la loi de prohibition en…1966.

Dans les années 1930, pendant la grande dépression, « les forces de l’ordre sont encore dominées par les agents d’origine irlandaise et allemande (comme il l’a souligné plus haut) font face à des grévistes nouveaux immigrants venus de Pologne, de Hongrie et d’autres pays de l’Europe de l’est (souvent Juifs faut-il ajouter) avec qui ils ont peu d’affinités. »Policiers peu syndiqués et « éprouvent de l’antipathie envers des organisations qu’ils considèrent comme anarchistes ou communistes. (…) Il n’est donc pas surprenant qu’à cette époque les polices aient été mises sans difficulté au service des industriels. Ils ne craignent pas de tuer comme le jour du Memorial Day de 1937, à Chicago, 10 morts et trente blessé pour les travailleurs de l’acier en grève.
Cette police de Chicago – Chicago Police Department, CPD – est aussi accusée de « partialité raciale dés 1919, date des émeutes raciales. Le gouverneur de l’Illinois avait mis sur pied une « commission sur les relations raciales » qui soulignait la priorité donnée à l’arrestation de Noirs en laissant le champ libre aux attentats racistes contre les habitations des Noirs.Lors des émeutes de 1919, écriront les rapporteurs « les morts et les blessures sont surtout survenues durant les affrontements entre les policiers blancs et la foule noire. » (cité par l’auteur page 193)

à suivre.

Nicolas.