Voyages sans visa.
Thomas Grimmonprez est batteur d’abord et longtemps il l’est resté. Depuis quelques temps, il s’est fait compositeur vagabond traversant les genres, les mesures, les cadences pour, sans doute, se trouver ou retrouver des sensations, des plaisirs, des douleurs qui l’ont transformé.
« Kaléidoscope » porte bien son titre, les climats changent d’une composition à l’autre. A l’auditeur de reconstruire le puzzle pour trouver une trajectoire qui sera différente de l’une à l’autre. Chacun-e apportant sa propre expérience, ses propres sensations et émotions à celles qui sont ici proposées.
Le trio fonctionne malgré l’utilisation d’un instrument souvent trop bavard, le fender rhodes. Il faut reconnaître à Jérémie Ternoy une volonté de le dompter pour lui faire dire ce qu’il faut et pas plus dans l’optique des rythmes impulsés par le batteur. J’avoue que je le préfère au piano où sa sobriété parlante, élégante qui dit son amour de cet instrument – et un peu de Keith Jarrett mais pas trop – au service des ambiances successives, voyages vers des contrées étranges. Christophe Hache, à la contrebasse, arrime les deux autres, une nécessité pour permettre les envolées vers la terre.
Les titres indiquent eux aussi des étapes comme ce « Rain Dance », référence à la fois aux nations amérindiennes – les « natives lands » pour parler comme aux Etats-Unis – et au film « Rain Man ». Là c’est peut-être moi qui extrapole… Pour dire qu’un album qui commence par « Morning Running » et se termine par « Unspoken » laisse de la place à notre imagination tout en interrogeant notre monde étrange victime de la maladie d’Alzheimer. Thomas Grimmonprez essaie de ne rien oublier, sa batterie l’aide pour construire des environnements propices aux itinéraires téméraires.
Nicolas Béniès
« Kaléidoscope », Simon Grimmonprez, Circum Disc.