Jean-François Viaud est lyonnais et chroniqueur à « Jazz Rhône Alpes, un site qui s’est donné pour objectif de faire connaître – et de rendre compte – de toutes les initiatives autour du jazz dans la Région. Nous nous sommes rencontrés à Crest en un temps où le festival « Crest Jazz Vocal » faisait une gazette.
Il était de passage à Caen pour l’ouverture du Minifest et il nous livre ses impressions et ses photos…
Réactions à envoyer à jeanfrancois.viaud@orange.fr
PS la première photo a une position curieuse. Je l’ai laissée tel que pour jouer avec la réalité et rendre hommage à Fred Astaire dans « Mariage royal »…
Dixième, Première ! Clap de départ.
C’est en chantant : « Happy Birthday MiniFest… », que Jean-Benoît Culot, le batteur et responsable de l’atelier BeBop Caen Jazz Action et Nicolas Leneveu, saxophoniste et programmateur du festival, ont présenté cette dixième édition du festival Caennais. Le batteur a fait une allusion à la coupe du monde de rugby qui a déjà bien démarrée, mais c’est en trois sets gagnants que va se jouer cette première soirée du festival MiniFest à El Camino. Pour l’occasion, la cave est au complet avec un public que l’on verra connaisseur et passionné et qui sera conquis et enthousiaste au fil de la soirée.
Le premier set est consacré à l’Atelier Be-Bop Caen Jazz Action, dirigé par Jean-Benoît Culot qui emmène avec passion et pédagogie ses élèves sur les rythmes des standards Bop. Le swing va s’imposer doucement mais sûrement avec l’entrée des musiciens au fur et à mesure des morceaux. Sur un Night and Day revisité sur un tempo Bossa Nova, c’est un trio rythmique avec Luc Verdiere à la Contrebasse, Marc Fourret et/ou Pierre Dorbay à la guitare et Jean-Benoît Culot à la batterie qui démarre. Les lignes du contrebassiste sont discrètes mais omniprésentes dans l’assise rythmique et le jeu du guitariste est fluide, précis et délicat passant tour à tour de la mélodie à la rythmique. Le leader assure un jeu délicat sur les peaux de ses fûts et aérien sur les cymbales, il s’accompagne en marmonnant le thème et en motivant ses élèves tout au long du set avec des encouragements bienveillants. Le deuxième titre est également détourné de son tempo avec une version cubaine pour un Love for sale sur un rythme de clavé. Ce morceau fera entrer en scène les autres musiciens de l’atelier avec Patrick Bibaut au piano pour un complément de rythmique solide et Ella au chant qui maîtrise les standards d’une voix posée mais que l’on aimerait voir prendre plus de puissance pour qu’elle développe tout son potentiel. Viendront s’ajouter la section de cuivre avec Serge Pogam au saxophone ténor, Christophe Leveque à la trompette et au bugle et Eddy Roges au saxophone baryton, ces deux derniers attaques par un solo chacun sur le titre. Ils prendront ensuite des solos individuels et suivront les chorus en trio selon les morceaux. Les standards se succèdent avec It Don’t Mean a Thing (If It Ain’t Got That Swing) sur lequel on note un bel échange de solo entre le trompettiste et le batteur. On passe à You don’t know what love is ou l’ensemble nous emmène dans le registre de la ballade avec une belle intro de la contrebasse et de la batterie. Un solo au bugle et un solo du baryton donnent un ton blues à ce titre. Les trois cuivres terminent en beauté sur le chorus en trio. La rythmique de la guitare, de la contrebasse, du piano et de la batterie est soudée derrière les solistes. Pour le titre suivant, Appel Jump, Nicolas Leneveu rejoint le groupe au ténor avec un solo fluide et très maîtrisé qui emmène ses partenaires dans un swing Bop énergique. Après un solo de piano soutenu par les rimshot du batteur les soli de la guitare et des cuivres s’enchaînent. Le premier set s’achève avec pour rappel, une composition personnelle du leader Blues for Pierre, en hommage à l’écologiste Pierre Rabhi. Tous les musiciens prennent un solo sur ce blues et la chanteuse termine par un scat pour ce final.
Le deuxième set accueille le duo de Clémence Gaudin à la contrebasse et Betty Jardin au chant. Les deux musiciennes se sont déjà produites au MiniFest l’an dernier et sont à nouveau programmé pour cette édition et pour le plaisir de tous ; mais avec des surprises annoncent-elles. On reste dans un univers Bop mais la configuration de la formation change avec un style affirmé et une ambiance intimiste. L’attaquent de la contrebasse est franche sur That there, qui donne tout de suite le ton d’un rythme rapide et solide. La voix a une tessiture affirmée mais reste délicate et se risque rapidement à quelques scats discrets. Une version swinguante et délicate de Night and Day annonce une belle osmose du duo pour la suite de la prestation. La voix délicate mais déjà puissante met en valeur les phrases des chansons avec le soutien des lignes musicales de la contrebasse. L’exercice du duo voix avec un instrument acoustique n’est pas facile. On pense évidemment à Musica Nuda, avec Petra Magoni au chant et Ferruccio Spinetti à la contrebasse dans un registre jazz plus influencé de Pop ; mais aussi au duo Une voix, dix doigts de Claude Nougaro et Maurice Vander au piano. Tout l’art consiste dans cet exercice, à se compléter et se mettre en valeur mutuellement sans se faire de l’ombre, ici les deux jeunes femmes y parviennent ! La reprise Ain’t No Sunshine de Bill Withers, va leur donner l’occasion de s’exprimer dans le registre du blues avec cette mise en valeur réciproque de la voix et de la contrebasse. Sur la composition originale qui suit, la contrebassiste démontrera la dextérité et la délicatesse de son jeu à l’archet, tandis que sa partenaire montrera sa maîtrise du scat et des effets vocaux sans s’imposer. Sur I’m A Fool To Want You, la voix est sincère et interprète le thème avec conviction. La précision et la délicatesse des lignes de basse souligne et met en valeur la voix. Le morceau suivant est une composition originale, il s’agit d’un blues composé avec le batteur Jean-Benoît Culot qui rejoint le duo sur scène pour l’interpréter. Le trio est rapidement en osmose, avec la chanteuse qui scat et le batteur qui vient mélanger ses onomatopées pour s’accompagner. Un échange délicat a lieu entre la contrebasse et la batterie aux balais sur les fûts et les cymbales. Le batteur fera un usage tout aussi précis aux mailloches sur Love or leave me pour accompagner la parfaite prononciation et intonation de la voix sur ce thème. Pour la composition originale suivante c’est en quartet avec un saxophone que le groupe va s’exprimer dans un style plus free, tout en gardant une écoute mutuelles pour produire un échange de qualité. Ils poursuivront dans cet esprit sur le morceau suivant, cette fois en quintet, avec un pianiste. On sentira la chanteuse portée par ses partenaires sur Everybody Wants to be a cat, l’osmose a également pris à cinq ! C’est sur Say It Ain’t So, Joe, que le groupe termine par un rappel avec ce onzième titre, pour un retour au calme sur le tempo d’une ballade et en douceur pour ce final.
La soirée se termine par un troisième et dernier set sur une jam ouverte à tous les musiciens. Les amateurs présents se joignent aux élèves de l’atelier BeBop. Les standards et les soli s’enchaînent avec passion au rythme des musiciens qui se remplacent avec plaisir sur la scène. Tous les ingrédients du bœuf sont réunis ce soir : une direction de l’échange par des anciens confirmés, un répertoire connu de tous, un niveau équilibré des participants et la joie ainsi que la passion de chacun. On verra défiler sur scène plusieurs batteurs, pianistes et contrebassistes. Une chanteuse viendra terminer élégamment un titre après les solos d’un saxophoniste et d’un trompettiste. Ce dernier terminera la jam avec un titre dans lequel un échange avec une flûtiste traversière donnera un beau dialogue musical. Cette soirée démontre bien le dynamisme de la scène jazz de Caen, qu’elle soit amateur ou professionnelle. Souhaitons au MiniFest que pour ses dix ans, toute la semaine se déroule sur la même tonalité de la passion et de la bonne humeur.
Jazz Festival MiniFest 10 ans
Chronique Duo Gaudin/Jardin
El Camino à Caen
29 septembre 2015