Crise systémique et les mutations climatiques.
La proximité de la conférence sur le climat à Paris à la fin de cette année 2015 explique sans doute la multiplication d’ouvrages sur la nécessité de lutter contre le réchauffement de la planète en prenant en compte les mutations climatiques et la profonde crise écologique qui marque notre monde. Le constat est désormais général, sauf pour les grandes firmes conduit par le seule lumière de l’augmentation du profit qui assombrit l’avenir de l’ensemble des populations.
Naomi Klein s’essaie à démontrer que « Tout peut changer » si l’on comprend que « Capitalisme & changement climatique » sont liées. Elle ironise sur les oxymores comme « capitalisme vert » ou « entreprise environnementale » pour mettre en cause les « fondamentalistes du libéralisme » dans la dégradation des conditions de vie et de nature. La terre, pour les capitalistes est un bien gratuit et exploitable à l’infini, comme le sous-sol. La préservation de l’environnement ne fait pas partie de leur boîte à outils.
Pour combattre ces politiques d’inspiration libérale, pour combattre ces « croyants » dans la toute puissance du marché, elle propose plusieurs niveaux de réponse. La planification d’abord, le retour des services publics, l’insistance sur les « Communs » comme sur les réalisations concrètes à tous les niveaux pour rendre visible la possibilité des transformations. La crise écologique permet de prendre conscience de ses causes politiques et économiques et ainsi œuvrer à l’émergence d’une autre société, plus démocratique, plus libre, plus fraternelle. Il est regrettable qu’elle n’ait pas su – ou pas voulu – synthétiser son propos pour rendre plus percutant ce plaidoyer pour l’action politique et la nécessité de la démocratie.
« Impératif transition », de Michael Lewis et Pat Conaty, sous titré « Construire une économie solidaire » vient apporter de l’eau au moulin de la thèse défendue par Klein. L’intérêt de leur livre est de répertorier toutes les expériences de résilience – Klein préfère parler de « régénération » – un peu partout dans le monde, mais surtout en Amérique du Nord. Ils permettent de se rendre compte de la richesse de ces tentatives pour vivre mieux en conservant les « biens communs » qu’ils opposent à la richesse privée. Leurs propositions plus générales sont empreintes d’une volonté de « moralisation du capitalisme » explicitement rejetée par Klein qui entre en contradiction avec les luttes des « zadistes » appelés « blocadie » en Amérique du Nord.
Jean-Pierre Brovelli et Claude Simon pour le « Collectif Roosevelt » traitent de la même question avec ce « Stop au mirage de la croissance ». Trois parties. La première sur les mesures de la croissance dont le fameux PIB manié souvent sans précaution, la deuxième sur la volonté du capitalisme d’avoir une « croissance exponentielle » qui appauvrit toutes les ressources naturelles et ouvre une vaste crise écologique tout en baissant toujours plus le coût du travail et en obligeant les salariés à travailler toujours plus. La troisième partie est une sorte d’ébauche de programme dont le point de départ se trouve, pour eux, dans la nécessité de limiter la croissance mesurée par le PIB, par les marchandises. « Réussir la transition écologique » arrive évidemment en tête de ce programme. Au-delà de ce terme utilisé à toutes les sauces, ils proposent un nouveau pacte social passant par la réduction massive du temps de travail et des mesures urgentes pour permettre la survie de l’humanité. Une base de discussion.
Un oubli est commun à toutes ces théorisations : la forme particulière du capitalisme actuel. Les modalités de création de richesse sont soumises aux critères du capitalisme financier dont le principal est le courtermisme qui bloque toute vision du futur. Ce capitalisme là subit une crise systémique qui oblige à une révolution interne au capitalisme pour permettre sa survie. Cette crise, et c’est le sens qu’il faut donner à toutes ces analyses, élargit le champ des possibles en donnant à la lutte contre les mutations climatiques et la crise écologique une place de premier plan pour sortir de cette société inégalitaire et dépassée.
Nicolas Béniès.
« Tout peur changer », N. Klein, Actes Sud/Lux ; « Impératif transition », M. Lewis & P. Conaty, Éditions écosociété ; « Stop au mirage de la croissance », J-P Brovelli & C. Simon, éditions de l’Atelier.