Christian Ducasse, à la fois photographe et organisateur de concert, nous a fait parvenir le texte suivant de présentation d’un violoniste, Jean Toupance qu’à, notre grande honte, nous avouons ne pas connaître. Nous lui faisons donc confiance pour ses affirmations. Jean Toupance sera donc à Granville pou une résidence de trois jours au Bâton Rouge les 12, 13 & 14 juin 2015.
Pour Michel Warlop
Ce sera un hommage à un autre violoniste, oublié trop souvent, génie de cet instrument, Michel Warlop. Compositeur étrange, ce violoniste brillant, premier prix de Conservatoire (Douai et Paris) considéré par ses enseignants comme un des 5 concertistes importants dans les années 20, était tombé dans le jazz en arrivant à Paris. Une de se grandes œuvres, restée forcément à l’état d’ébauche, « Swing Concerto », fut enregistrée pendant la période l’Occupation, raison pour laquelle, sans doute, elle ne fait pas partie des références. Mort en 1947, le nom même de Michel Warlop a déserté les discographies. Récemment, il a commencé à être redécouvert. Une biographie, « Michel Warlop, génie du violon swing », Pierre Guingamp, L’Harmattan, 2011, un double CD de la collection Quintessence (Frémeaux et associés) présenté par Daniel Nevers et, last but not least, « Le souffle de la liberté », Nicolas Béniès, C&F éditions, 2014. Sans que, pour autant, son nom soit encore diffusé dans le public.
C’est dommage. Il a su construire un répertoire spécifique, toujours pendant cette période un peu oubliée – et qui fait l’objet de tellement de commémorations que les historiens n’ont plus de place – pour un quatuor à cordes qu’il arrive à faire swinguer.
Le leçon de Warlop n’a pas été perdue. André Hodeir, sans le dire – aucun des contemporains et ce , pendant trop longtemps, n’oseront parler de cette période. Elle restera enfouie sous une tonne de non dits – en fera fructifier les fruits et le troisième courant rendra un hommage à cet avant-gardiste.
Redécouvrir Warlop est une nécessité, Jean Toupance peut nous y aider…
Nicolas Béniès.
Ci-après le texte de Christian Ducasse
Jean Toupance : un trésor caché du swing dans la Manche.
Pendant l’Occupation, Jean Toupance découvre la musique de Django Reinhardt dans Paris. Django toujours accompagné son frère Joseph se produit avec son ensemble dans une chemiserie près de la Coupole à Montparnasse. Baro Ferret et des artistes manouches profitent de la relative clémence des autorités allemandes éclairées, adeptes du génial guitariste. Pour Jean c’est le premier émerveillement. Enfant il jouait aussi de la batterie lors des réunions familiales où «je foutais le bordel … j’aimais le rythme », la belle affaire avec l’émergence du swing triomphant.
Bien entouré, Jean Toupance s’engage dans l’apprentissage du violon qu’il pratique dès l’âge de 5 ans et ses vingt ans seront marqués par la figure tutélaire de Michel Warlop, un maître référence de toute un génération dont Stéphane Grappelli. Le joug nazi n’est pas féroce à Paris et Jean écoute aussi les figures du musette dont l’accordéoniste Tony Muréna. Ces fréquentations marqueront durablement son trajet dans la musique syncopée. Jean devient professionnel dans les années 50 au sein d’orchestres grand genre dont celui de Raymond Legrand (père de l’auteur des Parapluie de Cherbourg) et il ne cessera de faire le métier.
En 1957, il dirige son propre quintet avec clarinette, en 1968 on l’entend chez Dior en sextet pour la Saint-Catherine. Entre temps il sera à l’affiche du tout premier festival de jazz d’Antibes Juan les Pins et l’été 1978 en leader à celui de Marciac.
Cette année-là Michel Perrin chronique son disque « Hot Strings » (co-leadé avec le guitariste Pierre di Pascale) dans Télé 7 Jours : « … Sans chercher à imiter leurs illustres prédécesseurs, ils créent, comme eux, un «jazz de chambre » qui illustre parfaitement la définition trop oubliée de la musique : l’art d’assembler les sons d’une manière agréable à l’oreille. Jean Toupance est un violoniste sensible, à la sonorité tantôt suave, tantôt incisive … ».
Outre une amitié constante avec Stéphane Grappelli, Jean Toupance cultive la confraternité musicale. Au milieu des années soixante, le jeune Jean-Luc Ponty cumule son service militaire et un engagement permanent dans le quartier de Mouffetard. Quand le natif d’Avranches ne peut se libérer ou faire le mur, Jean Toupance le remplace au pied levé. Cette époque de la Contrescarpe correspond à un certain âge d’or du jazz et de la chanson. Cohabitent dans un petit périmètre les gitans Baro, Matelo ou Boulou Ferret puis Christian Escoudé avec des personnages tel Boby Lapointe …
Jean ne cessera de multiplier les rencontres incisives. Il participe ainsi en 1991 aux débuts phonographiques du guitariste Patrick Saussois, pilier regretté du swing gitano-parisien. Le métier éloigne Jean Toupance des scènes parisiennes, et il voguera longtemps sous les couleurs de Trigano et du Club Méditerranée avant de s’installer dans la Manche en 2013. Il réside désormais à Gavray après une étape à Auderville.
Lors d’une apparition à la Baleine, il retrouve un ancien partenaire de plus de trente ans, le contrebassiste Pierre Jacquet (très longue route avec Bratsch). Pierre Jacquet prend dorénavant la direction musicale de leurs aventures communes et ils viennent d’enregistrer un disque à paraître cette année.
Le public de Granville pourra découvrir Jean Toupance et ses proches amis lors d’une résidence non surveillée de trois jours au Bâton Rouge les 12, 13 & 14 juin prochain.
Un extrait (chuinté) de Jean Toupance, « La Ballade des valseuses »