Pour Dante, la fin c’est la Paradis et pas seulement l’enfer…
« La Comédie », « chant villageois à en croire les définitions courantes au 13e siècle », nous dit le présentateur et traducteur, Jean-Charles Vegliante, de cette édition bilingue de cette épopée, de ce chant d’amour et aussi un poème fondateur de l’Italien moderne. Dante Alighieri, en ce début du14e siècle, se refuse à utiliser le latin pour se servir de la langue vernaculaire de Florence. La traduction du florentin de ce temps est un exercice difficile, fait d’interrogations et de recherches pour rendre le sens voulu par l’auteur. La trahison est nécessaire à partir du moment où le lecteur d’aujourd’hui peut s’approprier le texte, le comprendre tout en le remettant dans son contexte.
Il faut rendre le sens des mots tout en sauvegardant la musique des vers de Dante. La poésie ne s’embarrasse pas forcément d’Histoire même si elle est nécessaire pour exprimer des émotions.
Il fallait aussi présenter les trois parties, « Enfer – Purgatoire – Paradis », pour les mettre en situation, rendre à chacune sa place. Une manière ainsi de critiquer des traductions françaises précédentes trop romantiques ou trop « présentes ».
La traduction est un art difficile. Celle-ci se veut « définitive » – les guillemets sont utilisés par le traducteur – pour un temps donné. Il faut dire que la lecture de ces vers coule comme s’ils avaient été écrits en français.
Dans une postface, le traducteur s’explique non pas sur ses choix de traduction mais sur sa volonté de faire lire Dante en français, de présenter comme le titre de sa postface le dit sans ambages, « Quelques traces d’un Dante français », une sorte de fléchage pour ce long voyage dans ce chant d’amour librement inspiré de la Bible, qui se termine par l’entrée dans la félicité : « Ici défaillit la sublimée vue ; /mais déjà menait mon désir et vouloir,/ comme est régulièrement mue une roue,/l’amour qui meut le soleil et les étoiles. »
Nicolas Béniès.
« La Comédie (Enfer – Purgatoire – Paradis), Dante Alighieri, présentation et traduction Jean-Charles Vegliante, Poésie/Gallimard.
Un classique britannique.
La révolution en Grande-Bretagne eût lieu avant la française. Les « têtes rondes » de Cromwell expédièrent Charles 1er ad patres bien avant Louis XVI. Il en résulta une formule hybride appelée « monarchie parlementaire » sous le règne de Charles II.
Un environnement qui explique les personnages et leur marotte dans ce récit intitulé « La Vie et les Opinions de Tristram Shandy, Gentleman » de Laurence Sterne, par ailleurs Pasteur de cette Église anglicane dont le chef est le souverain(e), schisme voulu par Henri VIII pour éviter d’être excommunié par le Pape après l’assassinat de Thomas Beckett.
Avant d’être livre, cette « Vie et Opinions » a été publié en feuilleton entre 1759 et 1767. Il aura un grand retentissement dans l’Europe d’alors. D’abord parce que la Grande-Bretagne est considérée par la plupart des Encyclopédistes comme un modèle, ensuite pour les qualités intrinsèques de ce « roman ». Diderot en fera le « Rabelais des Anglais » et Joyce y puisera vraisemblablement la forme de son « Odyssée », « Ulysse », une journée dans la vie d’un homme et d’une femme. En même temps que Joyce s’inspirait de Homère et du retour d’Ulysse à Ithaque.
Ce « roman » est une définition de l’expression anglaise « work in progress ». L’auteur raconte ce qu’il fait et ce qu’il est en train de faire. Comme il est train d’écrire, il le raconte. Par voie de conséquence, plus il écrit plus il peut écrire. C’est sans fin.
Il met en scène sa famille, autant de « figures » qui lui permet d’écrire sur la philosophie – son père -, sur la guerre – son oncle -, sur la religion – le pasteur Yorick – et même sur… l’art des accouchements, le Docteur Slop. Une typographie singulière pour faire parler les mots, les phrases qui est ici respectée par Alexis Tadié, responsable de cette édition.
Une lecture qui ne fait pas fi du plaisir malgré la distance qui nous sépare de l’auteur. Une écriture qui se nourrit de l’écriture c’est un pied de nez, une grimace à toute « bonne société » et à l’image guindée que donne la littérature laissée aux mains des « littérateurs », une joie sans partage du lecteur content d’être bousculé dans ses certitudes. Joie de suivre la pensée d’un auteur en train de se construire et de construire ses phrases.
Une leçon pour tous les feuilletonistes qui pratiquent l’art difficile de tirer à la ligne. Une leçon aussi de l’utilisation de la typographie pour indiquer ce « work in progress ».
Les « classiques » possèdent quelquefois des ressorts cachés.
Nicolas Béniès.
« La Vie et les Opinions de Tristram Shandy, Gentleman », Laurence Sterne, traduit par Alfred Hédouin, revue par Alexis Tadié, présentée par A. Tadié, Folio Classique.