Conversations.
D’un côté, « The Clarinet trio », Jürgen Kupke, clarinette, Michael Thieke, clarinette alto, Gebhard Ullmann, clarinette basse et de l’autre « Le trio de clarinettes », Armand Angster, contrabass clarinet, Sylvain Kassap et Jean-Marc Foltz, clarinettes et clarinette basse pour une rencontre pacifique et polémique sur l’art de la clarinette. Tout y passe. Les cris, la joie, la révolte, la discussion… pour se mettre d’accord sur des itinéraires divergents.
Les deux trios montrent ce qu’ils doivent à Ornette Coleman et à son double quartet sur l’album « Free Jazz » qui, passé la première écoute, démontre la capacité des participants – à commencer par Eric Dolphy à la clarinette basse – à créer des questions et des réponses pour envisager d’autres formes musicales.
Ces deux trios de clarinettes se veulent aussi représentatif d’une conversation de deux pays qui ont une histoire conflictuelle et commune. « Itinéraire Bis » est un titre bien choisi pour indiquer la manière d’aller vers des routes moins connues, moins fréquentées pour se retrouver ensemble à l’issue d’un voyage étrange, mêlant toutes les musiques, toutes les références. Ils ne craignent ni d’évoquer la musique klezmer, ni la musique contemporaine ni ma musique électronique ni la mémoire du jazz. Le tout, le double trio, est porté par une énergie vitale.
Laisser vous porter par les sons des clarinettes. Ne refusez pas les outrances, elles sont là pour signifier que notre monde n’est pas vraiment vivable.
Une manière aussi de visiter cet instrument qui ne trouve jamais sa place, un instrument dérangeant qui sait réserver une sorte de paix après des sorties colériques. La clarinette basse est sa forme emblématique et moderne qui sait susciter toutes les surprises.
Nicolas Béniès
« Itinéraire bis », Double trio de clarinettes, Between the Lines
Un retour en forme d’au revoir.
Je dois l’avouer. Ces derniers temps, j’ai été souvent déçu par Abdullah Ibrahim – Dollar Brand pour beaucoup, surnom que Duke Ellington, pas avare d’une plaisanterie, lui avait donné – en concert et en disques. Trop souvent, il faisait penser à du sous Keith Jarrett. Il faut dire, à sa décharge, que le Keith en question bouffe toute la place dans les mondes pianistiques.
Pour ce « Mukashi », sous titré « Once upon a time », il était une fois donc, le pianiste compositeur atteint une sorte de plénitude. Les mélodies flottent, s’étendent par nappes qui s’étirent voluptueusement. Une paix semble régner dans cet album comme si les cris devenaient latents, virtuels se glissant ça et là dans les interstices d’une mer trop calme pour être vraie. L’instrumentation révèle cette apparence. Flûte et deux violoncelles en plus du piano…
Abdullah Ibrahim retrouve là ses racines sud africaines pour dresser un autoportrait, une autobiographie. Les titres sont révélateurs : le temps du rêve, les étoiles en souvenir, sérénité, Pour Monk… qui se termine en essence et l’équilibre, l’harmonie.
Le vieil homme se livre sans apprêts pour démontrer que face à monde cruel, il faut avoir la faiblesse de la sagesse et de l’intelligence.
Nicolas Béniès.
« Mukashi », Abdullah Ibrahim, Intuition distribué par Socadisc.
Regards méditerranéens.
Mer fermée, la Méditerranée, est ouverte aux quatre vents des cultures. Elles viennent se confronter, se contredire mais aussi converser, affluer les une dans les autres pour construire un imaginaire fourmillant de contes – des mille et une nuits évidemment – et d’histoires à la fois tristes, humaines et joyeuses. La danse sert de fil conducteur à toutes ces musiques. Musiques de danses expliquent leur popularité mais aussi leur créativité.
Il faudrait revenir à la danse, à la transe, à la rencontre, à l’union des corps, à la joie de se retrouver ensemble pour résister, pour se découvrir. L’interdiction de la danse, c’est l’interdiction de se connaître, de se différencier pour mieux s’unir. La reconnaissance des sexes par la danse est un appel à la fin des discriminations.
L’Hijâz’Car, un quintet composé de Grégory Dargent, oud, de Jean-Louis Marchand, clarinette basse – décidément l’instrument à la mode -, Nicolas Beck, tarhu, Vincent Posty, contrebasse et Étienne Gruel aux percussions, après 14 ans de pérégrinations, de rencontres diverses s’est décidé à enregistrer cet album.
Une musique à la fois dansante et savante qui sait s’inspirer de toutes les cultures et pas seulement celles de la Méditerranée. Un premier album trop plein qui fait la démonstration des potentialités du groupe.
Une musique qui se veut de notre temps.
Nicolas Béniès.
L’Hijâz’Car, Buda Musique.