« Visions fugitives » de 2013.
Deux albums de ce label au si beau titre, « Visions fugitives », devraient remplir le début de cette année qui s’annonce bizarre et formidable.
Jean-Marc Foltz, clarinettiste et clarinettiste basse ici, qui mêle consciemment un peu, inconsciemment beaucoup voyage mobile et immobile. Le rêve peut cohabiter avec une réalité différente. Parti sur le chemin des Incas, il revient avec une musique singulière pour visiter passé, présent et un peu l’avenir.
« Viracochas » se veut un hommage à ces anciennes cultures, à ces ruines chargées d’une histoire violente, de conquêtes et de destructions d’où émerge une civilisation perdue qu’il faut faire vivre par l’imagination. Elle ne sert pas à définir un avenir, elle vient comme un élément complémentaire à un patrimoine qui a tendance à s’étioler. Une porte ou une fenêtre pour une maison qui menace ruine…
Foltz et ses compagnons de voyage – Philippe Mouratoglou, guitare, Sébastien Boisseau, contrebasse dont on ne dira jamais assez la volonté de trouver de nouvelles voies pour régénérer notre écoute et élargir nos horizons, Christophe Marguet, batteur coloriste à la baguette experte pour dessiner des paysages à la fois étranges et familiers – nous embarquent vers un ailleurs non définis.
Juste une remarque. Le carcan des compositions ne permet pas à tous les protagonistes de donner le meilleur d’eux-mêmes, de se « lâcher » pour dépasser les bornes mêmes de la composition.
Tel que, c’est un départ qui ne se refuse pas. Une fois écouté, une fois adopté.
Plongée dans le passé encore avec Bill Carrothers, pianiste et compositeur aux multiples talents. A la demande de Philippe Ghielmetti, producteur du label, il s’est plongé dans ses racines. Celles de ces États-Unis qui restent, de ce point de vue, un pays étrange. L’Église reste le lieu où vivent ces racines de cultures entremêlées. Cultures européennes, africaines, amérindiennes, un « melting pot » que le gospel, le blues et le jazz sauront unifier. Le dépassement des parties donnait naissance à un tout qui ne répondait à la logique d’aucune de ses parties.
Ghielmetti, athée, a voulu revenir en arrière. Vers les parties constitutives. Bill, protestant luthérien, Peg – sa compagne -, catholique et chanteuse, ont uni leur efforts pour recréer cet édifice du passé, reconstruire à partir des ruines et ainsi créer une musique nouvelle. Matt Turner, violoncelliste, Jean-Marc Foltz aux clarinettes et Nicolas Thys à la contrebasse prêtent leur talent pour faire vivre ce projet aux accents bizarres. Un chœur était nécessaire pour donner de l’ampleur aux arrangements de Bill Carrothers. Le titre devenait évident : « Sunday Morning », le moment de la messe. Moment aussi de repos pour « écouter le murmure du temps », une écoute fondamentale.
Il ne faut pas s’attendre à un swing débordant mais à une réflexion musicale sur notre patrimoine, notre héritage. Une sorte de réponse à la question de savoir d’où nous venons.
Nicolas Béniès.
« Viracochas », Jean-Marc Foltz ; « Sunday Morning », Bill Carrothers, Visions fugitives, distribué par Harmonia Mundi.