De départ en départ
Dominique Pifarély, violoniste et compositeur, a voulu dessiner une géographie du temps, du temps qui passe, de celui qui refuse de passer ou de celui qui passe trop vite, peut-être aussi, retrouver la voie d’un esprit du temps, le « Zeitgeist » cher à Hegel, concept qui lui permettait de situer des styles d’époque. Le titre anglais, « Time geography » permet d’ouvrir le champ des possibles compréhensions. Il part du chaos ordinaire, « Ordinary chaos » pour arriver aux anciens bruits du chaos, « Chaos, ancient noises » pour faire passer entre les deux quelques réflexions sur le monde tel qu’il ne va pas, l’idéologie de la science et Beirut – pour conserver l’anglais – par exemple.
C’est aussi une sorte de parcours personnel, de ces rencontres qui furent les siennes, rencontres musicales, amicales, souvenirs du conservatoire, souvenirs de ce jazz qu’il a su servir avec cet instrument fortement marqué par Stéphane Grappelli, Jean-Luc Ponty sans oublier le génie méconnu que fut Michel Warlop. Pifarély a quelque chose de Warlop dans cette manière de vouloir mêler ses traditions, musique contemporaine et pulsation du jazz.
Un parcours en spirale qui explique que le point de départ initial et le point d’un nouveau départ final ne sont pas au même niveau. Une sorte de jeu de construction toujours recommencé pour permettre la création.
Il a fait appel à l’Ensemble Dédales – tout un programme déjà – soit Hélène Labarrière, contrebasse, Guillaume Roy, violon alto, Vincent Boisseau, clarinette, François Corneloup, saxophone baryton, Pascal Gachet, trompette, Christian Bopp, trombone, Julien Padovani, piano et Eric Groleau, batterie, pour donner vie à ces compositions, une sorte de suite.
Une musique à découvrir, chaotique comme le monde d’aujourd’hui, un chaos différent de celui du passé…
Nicolas Béniès.
« Time geography », Dominique Pifarély/Ensemble Dédales, Poros Éditions, distribué par L’autre distribution, voir aussi sur le site des Allumés du jazz.
Réunion presque paritaire.
Didier Levallet, contrebassiste, a eu la bonne idée de constituer un quintet, « Voix croisées », avec quelques-unes unes des musiciennes qui comptent dans les mondes du jazz. Une sorte de revanche sur les discriminations d’origine sociale et absolument pas musicales ni esthétiques. Elles le démontrent harmonieusement dans cet album. Airelle Besson, trompette, Sylvaine Hélary, Flûtes, Céline Bonacina saxophone alto, soprano et baryton dont elle joue avec une force peu commune, démontrent que le jazz se conjugue au féminin et, surtout, que la distinction de genre n’a aucun sens sur le terrain musical. François Laizeau, batteur, essaie de faire arriver ce quintet à la parité, un pari perdu d’avance.
Il faut les entendre pour éviter ces réflexes sexistes qui refusent aux femmes une place dans les mondes du jazz, musique souvent considérés comme machiste alors que c’est l’univers du show biz qui est impitoyable.
Cet album permet d’appréhender ces voix. Elles font la musique de notre temps. Comme Levallet et Laizeau. Il est perceptible que ce quintet n’a pas encore toutes les répétitions nécessaires pour s’envoler véritablement. Cet enregistrement ne donne qu’une idée des possibilités. Avis aux organisateur(e)s, il faut les inviter.
Nicolas Béniès
« Voix croisées », Didier Levallet quintet, Frémeaux et associés.