Nouveautés jazz, via les saxophonistes.
Céline Bonacina, saxophoniste baryton pourrait passer pour un oxymore. Un si grand saxo pour une petite bonne femme. Les clichés ont la vie dure. Les musiciennes de jazz, et ce depuis que le jazz existe, ont pratiqué tous les instruments. La voir jouer de ce merveilleux instrument est un plaisir sans partage. Elle a de l’énergie à revendre. Elle a su écouter et digérer l’art particulier de Hamiet Bluiett pour devenir elle-même. Pour cet « Open Heart » – une sorte de devise, un cœur et un esprit ouvert, ne rien s’interdire, pour créer – elle est en compagnie de son batteur habituel, Hary Ratsimbazaty et de Kevin Reveyrand à la basse électrique plus des invités, Himiko Paganotti, vocaliste, Pascal Schumacher vibraphoniste et Mino Cinelu, percussionniste un peu perdu de vue ces derniers temps.
Tout passe dans la moulinette, toutes les musiques, toutes les références. Elle passe du baryton à l’alto, au soprano pour varier les ambiances. Le premier thème, « Souffle d’un songe » est un arrangement sur la première gymnopédie de Satie et le dernier est extrait d’un concert donné en 2012 en compagnie du pianiste, autre vedette du label ACT, Michael Wolny.
Le tout fait la démonstration que la musique a du souffle et un avenir.
« Open Heart », Céline Bonacina, ACT distribué par Harmonia Mundi.
Chris Potter a une déjà longue carrière. Le saxophoniste ténor – et un peu soprano et clarinettiste basse – a joué avec tout ce que le jazz d’aujourd’hui compte d’important à commencer par Dave Holland. Il donnait l’impression d’avoir tout dit. Erreur. Avec « The Sirens » – il ne faut pas se boucher les oreilles et se laisser dériver au gré de ces enchantements – il fait la preuve qu’il n’est qu’au début d’une route qui devrait lui permettre de construire de nouvelles architectures. Comme une nouvelle naissance. Il faut dire qu’il s’est entouré de rien de moins que deux pianistes, Craig Taborn et David Virelles pour un piano préparé, célesta et harmonium pour retrouver une certaine naïveté. Larry Grenadier, contrebassiste, et Eric Harland, batteur, sont le socle sur lequel Chris Potter peut s’envoler vers d’autres cieux, d’autres cheminements.
Il faut vivre avec ce nouveau Chris Potter. Les bonnes surprises ne sont pas légion…
« The Sirens », Chris Potter, ECM/Concord.
Francesco Bearzatti est le saxophone de notre temps qui sait unir toutes les traditions et toutes les générations. Il n’oublie rien. Chez lui rien ne se perd, tout se transforme. Pour son dernier opus « Monk’ n’Roll », il a choisi, comme le titre l’indique explicitement de « coller » les rythmes de rock sur les compositions de Thelonious Monk. Cette alliance qui défrisera les biens pensants est une idée lumineuse. Les compositions de Monk sont d’une structure qui rend difficile sinon impossible les arrangements. En général, transformer la structure – tempo, écriture, composition – d’une œuvre de Monk c’est la conduire à l’échafaud. Métamorphose pour métamorphose, pour redonner du tonus à une œuvre qui a tendance à se confiner dans elle-même, la pulsation du rock se révèle une source de jouvence. On rigole et même on se gondole du traitement de ces thèmes connus de tous les amateurs de jazz. Se perçoit aussi la volonté de diffuser, de faire connaître Monk. Cela, sans aucun doute, devrait marcher. N’hésitez pas, entrer dans les mondes de Francesco Bearzatti. Un conseil, ne ratez pas un concert de ce groupe.
« Monk ’n’roll », Francesco Bearzatti Tinissima quartet, Cam Jazz distribué par Harmonia Mundi.
Nicolas Béniès.