Sur la littérature américaine

De Philip Roth aux révoltés d’aujourd’hui

Philip Roth, né le 19 mars 1933 – au moment où Roosevelt pris ses fonctions de Président -, a décidé, en 2015, d’arrêter d’écrire. Une décision salutaire. Beaucoup de romanciers n’arrive pas à quitter la scène à temps. Tout le monde n’a pas la chance de mourir jeune et de conserver une image positive pour les générations futures…
Claudia Roth Pierpont, journaliste et sans lien de parenté avec l’écrivain – il lui aurait dit « Vous ai-je épousé sans m’en souvenir ? » – en a profité pour l’interroger longuement. Le résultat, un essai biographique, « Roth délivré, un écrivain et son œuvre » pour mêler réalité et fiction, faits réels et leur transformation dans l’imagination d’un romancier à l’ironie et à l’humour féroce. Chaque intitulé de chapitre est une référence au titre d’un roman. L’auteure utilise la technique rothienne. Cette distance renforce l’argumentation de la biographe spécialiste du monde de Roth.

Passent aussi les influences majeures, Saul Below surtout mais aussi Scott Fitzgerald, Hemingway et la plupart des grands noms de la littérature anglo-saxonne. Elle insiste sur les relations qu’il entretient avec les femmes notamment la sienne, une perverse narcissique suivant ses dires, épouse qui l’a obligée de se réfugier dans l’imaginaire et dans l’écriture. Elle a fait de lui un romancier. L’intérêt aussi tient dans les réactions à ses œuvres, particulièrement les premières, de la communauté juive qui le tient pour un quasi antisémite et de la critique pas toujours tendre et pas toujours à tort. Les us et coutumes de ces Américains feront le miel de ses descriptions avec qu’il faut d’exagération mais aussi de révolte contre une société inégalitaire, raciste. Il suivra, avec retard, le précepte de Below, je veux être reconnu comme un écrivain américain, avec toutes mes spécificités. Cette fausse-vraie biographie oblige à relire Roth pour le redécouvrir tout en situant ces romans dans les contextes de l’histoire des États-Unis, histoire mouvementée qui trouve un écho dans la littérature.
C’est toujours le cas pour le présent. L’influence de Roth est présente à la fois chez Nickolas Butler dans une version plus désespérée de cette société qui rejette tout ce qui la dérange dans ce recueil de nouvelles : « Rendez-vous à Crawfish Creek ». La solution possible, l’union de tous et toutes ces pestiféré-es contre le fonctionnement de ce capitalisme qui refuse toute fraternité. Ta-Nehisi Coates, dans « Une colère noire », sous titré « Lettre à mon fils » veut traduire en mots son héritage, sa détermination de combattre pour une meilleure organisation sociale. Il raconte Baltimore, dans le Maryland, ville détruite par les récessions successives depuis les années 1980 au chômage endémique se traduisant par la crise des Inner Cities comme on dit aux États-Unis. Baltimore et son ghetto, ses quartiers où il faut faire attention en partant ou en rentrant de l’École, ses affrontements quotidiens, la drogue et la fin de toute liberté et fraternité. La violence règne en maîtresse. Il dira à son fils « Tu n’es pas Noir comme moi » sans oublier de lui transmettre le message du grand-père qui a participé au combat des Black Panthers… Deux livres qui permettent d’appréhender à la fois la popularité d’un Donald Trump et celle de Bernie Sanders…. Une Amérique à la croisée des chemins.
Nicolas Béniès.
« Roth délivré, un écrivain et son œuvre », Claudia Roth Pierpont, traduit par Juliette Bourdin, Gallimard
« Rendez-vous à Crawfish Creek », Nickolas Butler, traduit par Mireille Vignol ; « Une colère noire », Ta-Nehisi Coates, traduit par Thomas Chaumont, Éditions Autrement.