Vivre le confinement à trois
1. Se nourrir du temps
Mauro Gargano, contrebassiste, a composé les thèmes de « Feed » – nourriture – pendant cette entre tout que fut l’année 2020. Éloignés les unes des autres, il fallait trouver en nous-mêmes les nourritures spirituelles pour résister à ces barrières qui se disaient sociales et n’étaient rien de moins qu’une négation de la fraternité et des mémoires, du passé comme celles de l’avenir. Un air de désagrégation. Il fallait trouver de quoi alimenter l’outre pandémie en se référant au passé sans le copier avec le risque de répéter la nouveauté.
Le trio que Gargano a forgé, Alessandro Sgobbio, pianiste qui sait investir en les digérant les compositions du bassiste et Christophe Marguet, batteur attentif et compréhensif savent croquer à belles dents la musique pour lui donner la vie en prenant appui sur le présent pour s’élancer vers le futur.
Nicolas Béniès
« Feed », Mauro Gargano, Absilone
2. Traverser le temps
Jéricho, pianiste, Pascal Vigier, batteur et Frédérick Lemarchand, bassiste, se sont attablés, plusieurs jours de suite pas seulement pour boire mais, surtout pour exprimer l’envie d’être ensemble et faire de la musique. « Carnet de confinement » est un titre trop concis qui ne dit pas la chaleur ressentie à l’écoute de cet album. Un trio qui roule et s’enroule autour de thèmes connus – d’autres moins tout en étant aussi marqués par le swing et les mémoires de tous les trios, de Bill Evans à Herbie Hancock en passant par Wynton Kelly – pour combattre la pesanteur du confinement et exprimer une joie de vivre nécessaire, comme un fluide vital qu’il faut entendre et suivre.
N.B.
« Carnet de confinement », Jéricho/Vigier/Lemarchand, contact Jéricho 0762264904
Un trio loin de celui classique en jazz
La voix d’abord, celle qui s’impose sans violence qui s’entend au même titre que la batterie, curieuse par ce continuum rythmique qui tient autant du jazz que de la pop pour entraîner vers d’autres mondes. Puis la voix se fait plus précise, plus proche des mots, des langues. Le premier thème est une sorte de définition du groupe, « Somos Tantas », pour poursuivre en anglais sans aborder les rivages du français.
Manon Chevalier est cette voix – et compositrice -, qui se reconnaît dans l’héritage de Billie Holiday et sans doute beaucoup d’autres. Maya Cros donne, aux claviers la réplique tout en construisant, avec Ophélie Luminati, aux drums – on évitera le terme batterie -, le contexte sonore nécessaire à la voix pour donner un son de groupe spécifique. Qui ne se refuse à aucune influence, toutes les musiques, toutes les cultures sont sollicitées et elles répondent. Se reconnaissent dans les instruments électroniques l’évocation d’un sitar, d’un oud ou d’autres pour laisser accroire à une multitude. « Lioness Shape », en forme de lionne, une bonne entrée en matière que le nom du trio et « Impermanence » comme titre générique de l’album qui se définit comme féministe. A découvrir.
N.B.
« Impermanence », Lioness Shape, Laborie Jazz, Socadisc.
Fraternelle
La musique d’Eric Séva, qui signe cet album, « Résonances », a voulu faire référence à l’ouverture sur l’Autre pour ouvrir un dialogue qui permet de construire des ponts entre les cultures pour en livrer des échos. Construire ses racines imaginaires, son folklore est une nécessité pour se former. Trouver dans d’autres cultures les éléments de création pour réaliser une musique ouverte sur le monde.
Le trio, « Triple Root », triple racines, pour qualifier la rencontre entre le saxophoniste – ici au ténor et au soprano – le bassiste Kevin Reveyrand et le batteur Jean-Luc Di Fraya chacun transportant sa propre terre fait de résonances différentes. Musiciens qui ont ce don pas commun de signifier la fraternité.
« Résonances », Eric Séva Triple Root, Laborie Jazz, Socadisc