Une bio auto-bio ?
Que sait-on de l’enfance et la jeunesse d’un génie du 20e siècle, Louis Armstrong en l’occurrence ? Peu de choses en vérité. Les sources manquent sauf celles de Louis lui-même qui se raconte souvent sans tenir compte d’un minimum de chronologie. La plupart du temps ces témoignages, ces morceaux de vie réels ou imaginaires, n’ont pas été traduit en français. Ils s’inscrivent dans la légende. Alain Gerber avait lui aussi essayé de faire parler Louis sans y arriver. Armstrong résiste, il se débat pour conserver sa capacité de fantôme agissant. Ses œuvres ont alimenté toute la musique populaire et pas seulement américaine L’enfance, en ce début du 20e siècle – Louis est né en 1901, le 4 août pour être précis -, n’existe pas. Presqu’immédiatement il faut faire face à tous les aléas de la vie et même travailler pour survivre. Il faudrait faire confiance aux témoins qui ont tendance à se raconter au lieu de raconter et, faute de mieux, à Armstrong lui-même qui ne peut être objectif en raison des souvenirs qui occultent la mémoire et de la mise en scène nécessaire à la narration.
Les auteurs, autrices comme ici Claire Julliard, doivent à la fois combler les trous et effectuer des transitions en faisant appel à leur imagination tout en restant enfermé-e-s dans le contexte de l’époque.
« Little Louis », le titre qu’elle a choisi, veut recréer l’enfance d’un génie, une enfance qui n’a rien de génial. Elle s’inspire directement des traces d’autobiographie laissées par Armstrong pour rester au plus près de sa vie. Elle permet, de ce fait, au public francophone, de connaître ses interviews données par le trompettiste.
Elle fait preuve de l’empathie nécessaire pour recréer cet enfant déjà adulte avant l’heure. Sa biographie est en grande partie autobiographique sans pourtant percer le mystère. Pourquoi Louis Armstrong devient le génie qu’il fut ? Quels en sont les ingrédients ?
La Ville d’abord. La Nouvelle-Orléans est une ville stratifiée, les Blancs, les Créoles et les Noirs ne vivent pas dans les mêmes quartiers. La Louisiane est fortement marquée par l’esclavage et par les conséquences de la guerre de Sécession. C’est aussi un port ouvert à toutes les influences. La musique de la rue, des fanfares, un élément essentiel de formation. La maison de correction où se trouve un prof de musique qui ,prendra en compte les besoins du petit Louis… Ces éléments factuels sont connus pour la plupart. Ils ne suffisent pas.
La vie est dure dans cette Ville rythmée par toutes les fanfares. La musique enrobe. C’est, peut-être ce qui manque : la réalité de ce temps et le swing, cette musique du cœur, la musique de la rue où est née le jazz
L’autrice s’est appliquée à rendre compte des sentiments de l’enfant confronté à la séparation de ses parents, à l’éloignement de sa mère, à son éducation par sa grand-mère, à la famille de son oncle… des situations habituelles pour la population africaine-américaine. Satchmo, son surnom, ne perce pas encore. Petit Louis reste un enfant de son époque. Claire Julliard reste un peu trop enfermé dans la psychologie, refusant de se servir de la saga du jazz. C’est là sa limite et sa spécificité.
NB
« Little Louis », Claire Julliard, Le Mot et le Reste