Ouvrir le débat sur l’avenir de l’Europe.

A propos de « Europe, alternatives démocratiques »

La construction européenne est sur la sellette. Depuis l’entrée dans la crise systémique en 2007-2008 qui ébranle par sa dimension les bases mêmes du capitalisme actuel, crise qui n’a pas trouvé de réponse et s’élargit à toutes les sphères du politique, États comme institutions internationales. Le néolibéralisme, idéologie de ce capitalisme ne sert qu’à justifier les inégalités. Une idéologie qui elle-même subit une perte de légitimité.
Le deuxième acte de la crise financière et économique , en 2010, a pris pour cible l’euro. Cette monnaie, définie par les traités comme unique, a accentué tous les écarts de développement ouvrant la voie à la spéculation contre les pays les plus faibles à commencer par la Grèce. Une même monnaie associée à un développement inégal accentué permet de jouer sur l’endettement public et privé des pays connaissant des ratés de la croissance. Les spéculateurs ont donc misé sur les taux d’intérêt de la dette grecque mais aussi de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie. La coopération nécessaire pour lutter contre les vautours n’a pas été à l’ordre du jour accentuant le manque de confiance dans la monnaie unique.
L’euro est une monnaie incomplète parce que sans État. Battre monnaie est le principe régalien par excellence. La construction européenne a failli faire naître un proto Etat resté balbutiant du fait m^me de l’absence de réponse à la crise systémique et plus spécifiquement à la crise de l’euro. Aucune politique commune n’a été mise en œuvre pour lutter contre ces éclatements et définir un projet collectif pour faire face au basculement du monde. Fin 2019, le résultat est là. L’économie allemande est en récession et la menace se précise d’un effondrement économique, social, financier et politique.
La crise de l’euro s’est réfracté sur l’ensemble de la construction européenne via la politique d’austérité drastique imposée à la Grèce. Crise de légitimité profonde qui appelle à des mutations fondamentales. L’U.E. est menacée d’implosion et d’explosion. Les États, facteur déterminant des politiques communes devraient rompre avec l’idéologie néolibérale pour proposer des orientations démocratiques et sociales. Qui croit encore à l’Europe, à son avenir ? Les gouvernements, de plus en plus nombreux, gorgés de démagogie aux accents nationalistes ou les tenants du Brexit ?
La thèse de ce livre collectif, « Europe, alternatives démocratiques », sous titré « Analyses et propositions de gauche », cible d’abord les institutions européennes porteuses de l’orientation néolibérale favorable aux transnationales et aux marchés financiers. Ils appellent à rompre avec les traités actuels insistant sur les conséquences anti sociales et anti démocratiques pour promouvoir des formes nouvelles d’intervention citoyenne. Leur argumentation se déploie en trois temps : le constat de la crise de l’U.E. pour aborder spécifiquement L’union économique et monétaire et terminer par « La dette, l’euro et l’emploi » à travers les cas, respectivement, de la France, de l’Espagne et de la Grèce.
Les analyses, souvent provocantes, indiquent que le débat a été enfoui. Comme toujours après la crise, les gouvernants l’oublie. Pourtant la crise démocratique, politique actuelle, qui se traduit par la montée de l’extrême droite, oblige la réflexion. La gauche européenne est en train de sombrer par l’adoption des politiques néolibérales. Il est temps de penser la refondation d’un projet de transformations sociales.
Insister sur les institutions de l’UE est une approche nécessaire et souvent occultée. Elles sont posées comme éternelles alors qu’elles dépendent des États qui ont acceptés de déléguer une partie de leur compétence.
Les formes de la mobilisation sociale se doivent d’évoluer pour renouer avec la solidarité internationale des travailleurs. Les mutations climatiques, la crise écologique sont par trop absents ici des propositions pour bâtir une Europe sociale, démocratique et solidaire. Le débat continue…
Nicolas Béniès.
« Europe, alternatives démocratiques », sous la direction de Benjamin Bürbaumer, Alexis Cukier et Marlène Rosato, La Dispute, Paris, 2019.