Que vivent les tambours
Fini « La fermeture éclair », un lieu où le vent s’imposait comme le froid ou le chaud suivant les saisons, mais un lieu fumant, amical et ouvert sur toutes les cultures. Une sorte de loft à l’américaine. Un endroit fait pour le jazz qui s’y sentait à son aise et prenait ses aises. Fin de l’histoire.
Le collectif PAN ! en fut réduit à trouver un autre terrain de jeu.
Désormais, il faut migrer. C’est un peu la mode si l’on en croit les déclarations récentes de notre Président de la République qui rejoint la voix des extrême droite pour présenter les migrants comme les boucs émissaires faciles des difficultés présentes pour éviter d’analyser les crises en cours, évitant de trouver des solutions qui remettraient en cause les dogmes du néolibéralisme. Le jazz s’est toujours conjugué à la diversité, à l’ouverture vers les autres cultures. C’est le secret de sa jeunesse.
Migrer où ? Pour quels paysages ? Vers quelles contrées ? Vers quelles tentes ? Que Nenni, comme dirait l’amateur de termes du Moyen-Âge tombé depuis en désuétude. Un lieu prestigieux, un peu historique, un peu musées – ils sont deux dans l’histoire, Le Musée des Beaux-Arts et le Musée de Normandie -, un peu officiel : le château de Caen. Pour une fois que des migrants trouvent un hébergement haut de gamme !
Pour secouer toute la poussière accumulée, redonner des couleurs il fallait faire exploser toutes les habitudes, toutes les routines. Rien de mieux pour ce faire que les tambours, percussions et batterie qui seront les moteurs de cette édition qui se déroulera du 11 au 13 octobre.
Le groupe « Mean Steel » ouvrira le feu, nourri par deux musiciens, Hans-Urban Anderson, violoncelle et Ola Asdahl Rokkones, saxophones, les deux doublant à la batterie.
Fabrice Moreau, batteur pour celles et ceux qui l’ignoraient encore, a sorti un album, « Portraits », qui montrait – à l’instar de Daniel Humair – son double talent de peintre et de batteur. L’expérience de voir les tableaux et d’entendre la musique est réjouissante et provoque des interrogations. Il jouera ses propres compositions – comme sur l’album précité – en compagnie de son quartet : Ricardo Izquierdo, saxophone ténor, Jozef Dumoulin, piano et Matyas Szandai, contrebasse.
Les batteurs ne suffisaient plus. Il fallait un détonateur pour faire voler en éclats l’espace du château, pour se retrouver ailleurs. « Percus et chemises » ne sont pas comme chiens et chats mais comme quatre percussionnistes qui ne craignent de chanter tout en faisant chanter leurs peaux. Mathieu Duboc, Aimé Kifoula, Philippe Guitton et Emmanuel Davière promettent beaucoup…
Un seul percu peut-il envahir la place ? Lê Quan Ninh relève le gant entre musique contemporaine et improvisation libre. Une expérience qu’il faut tenter.
Un trio pour succéder à toute cette orgie, un trio sans nom sinon de celui des trois musiciens participant à l’aventure : Sylvain Darrifourcq, batterie et percussions, Manuel Hermia, saxophones et Valentin Ceccaldi au violoncelle. Une musique qui s’amuse à être aux confins des musiques et des cultures d’aujourd’hui, musique contemporaine comme « musiques du monde » et la pulsation du jazz.
Yoann Serra, batteur – ne me dîtes pas que vous êtes étonnés – a construit un quartet où brille Baptiste Herbin au saxophone alto, Karim Blal au piano et Guéraud Portal à la contrebasse, un quartet qui se permet toutes les références.
Il fallait aussi faire un peu de place à la mémoire, sans nostalgie. Le groupe « Eul’Swing » propose de redécouvrir le jazz des années 40-50, rien de moins que Billie Holiday ou Henri Salvador sans compter Horace Silver. Pour réapprendre à danser corps à corps. Nestla sera le batteur, Célestine Roland la chanteuse, Adrien Faure le pianiste et Jean-Baptiste Cosnefroy le contrebassiste.
« Avant les mots » – c’est le nom de ce duo, Guylaine Cosseron, voix et Emmanuel Ricard, percussions – le bruit, les bruits. La musique vient de l’organisation des bruits. Il est donc possible de faire de la musique avec les instruments que fournit la nature. Cette expérimentation est pour les jeunes de 6 mois à pas d’âge…
Il fallait bien un final à la hauteur – de quoi ? l’histoire ne le dit pas. Un Bal du Collectif PAN, rien que ça. Et un diner concert, un ! Avec « Black Pantone » : Martin Mabire à la batterie, Clémence Gaudin, contrebasse et Antoine Bouchaud, piano.
Les tambours dans tous leurs états, dans tous leurs éclats, dans toutes leur force, dans tous leurs attributs pour s’apercevoir que ces instruments ont une histoire, une mémoire, une vie et qu’ils savent raconter une histoire.
Nicolas Béniès.
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