Une grande chanteuse, Cecile McLorin Salvant
Un duo. Simplement.
Immédiatement, en écoutant ce duo voix, Cecile McLorin Salvant, piano, Sullivan Fortner , j’ai pensé à Ella Fitzgerald/Ellis Larkins (un de ces pianistes qui brillent dans cet art singulier, celui de l’accompagnement), un album Decca de 1954, « Songs in a Mellow Mood », tellement l’assurance et la confiance en elle-même de la chanteuse sont désormais installées. « Pure Ella » avait été de la réédition de cet album en CD. Au lieu de « The Window » – qu’il faut, bien sur, maintenir grande ouverte – Cecile aurait pu reprendre ce « Pure » tellement elle arrive à un point d’aboutissement de son art.
Pour dire qu’il est impossible de passer à coté de la fenêtre sans y jeter un coup d’œil et rester pénétré par la musique, par le travail de découpage du temps. Même lorsqu’elle chante en français – « j’ai le cafard » – son art reste marqué par le blues. Elle livre une version d’anthologie de la composition du pianiste Jimmy Rowles, « The Peacocks », pourtant interprétée par Stan Getz, en compagnie de la saxophoniste ténor Melissa Aldana.
Sullivan Fortner réussit à tenir le piano qu’il dompte pour qu’il évite de prendre toute la place. Pour privilégier le dialogue, sans trop en faire apparemment tout en en faisant trop, comme McLorin elle-même. Reconnaissons la réussite tout en se disant qu’il sera difficile à la musicienne de refaire un album dans cette esthétique. Il serait temps de changer pour aller autre part, prendre la porte plutôt que la fenêtre, se décider à sortir et pas seulement à regarder à l’extérieur.
Nicolas Béniès.
« The Window », Cecile McLorin Salvant, Mack Avenue.
Un grand orchestre… de Jazz.
Il est des albums qui disent tout ce qu’il faut savoir sur la pochette : « The Greenwich Session by Luigi Grasso, Invitation au voyage. » Luigi Grasso est saxophoniste, arrangeur et chef d’orchestre et a déjà une logue carrière. Il propose donc un voyage des deux cotés du méridien de Greenwich, censé être une référence. Cette présentation reflète la musique contenue dans l’album. Un Big Band réuni à Paris, avec un certain Pasquale Grasso à la guitare et China Moses – la fille de Dee Dee Bridgewater – aux vocaux. Ni l’une ni l’autre n’usurpent leur place dans l’ensemble.
La difficulté quand il s’agit d’un grand orchestre, c’est qu’il faudrait citer tou-te-s les participant-e-s – et ils le mériteraient. Mais l’intérêt est quasi nul. Les compositions et les arrangements de Luigi Grasso homogénéisent l’ensemble pour offrir un son collectif. Le souffle est puissant pour renverser montagnes et les obstacles dressés sur le chemin de l’écoute, pour faire respirer le grand air et s »ouvrir à tous les vents. Au baryton, Grasso fait penser à Pepper Adams avec une sonorité à couper au couteau tandis qu’il est plus fluide au saxophone alto.
Retrouver un Big Band est une grande expérience qu’il faut vivre dans son intensité en faisant fi – cette fois – des voisins. Il l’entendre fort pour bénéficier de toutes les facettes, de tous les solistes, pour que ce voyage ait les couleurs des contrées traversées.
Nicolas Béniès.
« Invitation au voyage », Luigi Grasso, Camille Productions, distribué par Socadisc