Bonjour Fantômes…
Un film sorti en 1972, « L’aventure du jazz, voulait rendre hommage au « vrai jazz ». Il était réalisé par Louis et Claudine Panassié et « préfacé » par l’ayatollah de Montauban Hughes Panassié, ex critique de jazz. Ne reculant devant aucun superlatif, il rendait un hommage un peu trop appuyé aux réalisateurs. Famille oblige me direz-vous. La musique de ce film avait fait l’objet de deux publications préalables dont la dernière en deux CD séparés sous le titre générique de « L’aventure du jazz » agrémenté d’inédits par rapport à la première publication, sous le label « Jazz Odyssey ». En 2001, moment de cette réédition, beaucoup de ceux et celles qui étaient filmés avaient disparus.
16 ans plus tard, Frémeaux et associés réédite en un coffret ces deux CD. Sans rien y changer. Certains de ces enregistrements captent en public Sister Rosetta Tharpe pour nous faire partager l’ambiance. Contrairement aux affirmations toujours péremptoires de Hughes – disparu lui aussi entre temps -, le son n’est pas toujours de très bonne qualité. En l’occurrence peu importe. Quelque chose d’autre passe : un souvenir, une mémoire qu’il faudrait construire, un fantôme qui nous serre de près, un démon sympathique qui vient nous serrer le cœur ou le cerveau…
Tous ces musicien-ne-s même en 1971 – la grande épopée du free jazz écrase toutes les autres musiques – étaient en dehors de l’actualité. Conserver leur empreinte, leur trace est, du coup, essentiel. Il serait trompeur de ne pas tenir compte de leur présence. Non seulement, ils et elles trimbalent la mémoire du jazz mais aussi reflètent un présent différent. Les temporalités ne sont pas les mêmes. Ils permettent de lutter contre l’évanouissement du passé sous prétexte du présent. A l’inverse, le passé du jazz ne peut faire office de présent.
Le plaisir d’entendre Milt Buckner surtout avec Jo Jones batteur éternel, père de toute la batterie, « Zutty » Singleton comme parangon du jazz pré Jo Jones, « Cozy » Cole concurrent de Jones fait partie de la nécessité de cet album. Un must : la traduction d’un thème de Memphis Slim par Marguerite Gauthier, « La buveuse de bière », vous fera tomber de votre tabouret…
Nicolas Béniès.
« L’aventure du jazz », vol 1 et 2, la musique du film de Louis Panassié 1969-1972, Frémeaux et associés.