Un roman « vrai » de Roger Martin, « Il est des morts qu’il faut qu’on tue

Le phœnix de l’antisémitisme

Roger Martin, il est des morts qu'il faut qu'on tueRomain Delorme – ainsi s’appelle-t-il au début d’une histoire non chronologique – est aussi Maxime Tillier, nom qu’il prendra après des découvertes sur sa naissance est le personnage central de ce roman. Flic – on écrit flique à la fin du 19e -, agent secret, fils de gendarme il participe aux grands événements de ce siècle pourrissant qui se termine par la Première Boucherie Mondiale. Le récit commence là, en cette année 1914 qui signe la fin du 19e siècle.
Le narrateur a 43 ans lorsqu’il s’engage. Il y découvrira l’imbécillité de l’antisémitisme. Manière de raconter, pour Roger Martin, cette période qui va de la Commune à la fin de l’affaire Dreyfus et à la mort de Zola, vraisemblablement assassiné par ces antisémites avec l’aide d’une partie de l’armée et de la police. Les anathèmes, les insultes, les annonces de l’anéantissement total de la soi-disant « race juive » se retrouveront tout au long de l’histoire de cette France républicaine. Il met en scène le Préfet Andrieux, père d’un certain Louis Aragon faisant ainsi écho à la biographie de Philippe Forest parue aux éditions Gallimard. Delorme/Tillier meurt en 1940 au moment de la promulgation par Pétain du décret sur les Juifs les privant de droits et de nationalité. Le cri du mourant « ça ne finira donc jamais » est encore le nôtre… Oui, « Il est des morts qu’il faut qu’on tue » pour pouvoir, faire vivre la fraternité.
Nicolas Béniès.
« Il est des morts qu’il faut qu’on tue », Roger Martin, Cherche Midi, 2015, 540 p.