Polar, nouveautés

École du crime au Texas

Lansdale Diable rouge, Folio policierJoe R. Lansdale est l’écrivain de polar le plus connu… au Texas mais aussi en France via les traductions – ici Bernard Blanc – publiées chez Denoël et avant dans la Série noire, reprises par Folio/Policier. Les enquêtes de Hap Collins, le Blanc hétéro qui se pose des questions et Leonard Pine – surtout à prononcer avec l’accent du Texas en train de se perdre -, un Noir homosexuel attaché à la violence pure dénuée de sentiments, sont à la fois une caricature des polars et une manière de faire réfléchir sur notre monde. Ces deux personnages ont fait le tour du monde.
Dans ce « Diable rouge », le rouge fait référence au sang et le diable à l’apparence de la vieillesse, les deux compères se heurtent à une organisation de tueurs et de tueuses. Une femme, Vanilla déjà apparue dans le précédent « Vanilla Ride », leur vole la vedette pour régler une affaire obscure. Les ressorts psychologiques ne sont pas très fouillés mais les situations sont toutes à la fois loufoques et logiques à partir du moment où le lecteur ne discute pas les postulats de départ. Il n’empêche Hap et Leonard vieillissent et la tentation fut grande, sans doute, pour l’auteur de faire mourir l’un des deux. Les personnages savent, quand il le faut, résister à leur auteur.
Un auteur qui donne l’impression qu’il fallait une suite au précédent sans qu’il ait construit une trame cohérente. Il fait passer ce manque en créant des mots. Le traducteur, pour en redonner le suc, s’est inspiré de la « bravitude » de Ségolène. Dans les premières pages, vous allez pouvoir enrichir votre vocabulaire…
Parions que dans le prochain, Vanilla prendra de plus en plus de place. Le duo pourrait devenir trio ou, pourquoi pas, quatuor.
Nicolas Béniès
« Diable rouge », Joe R. Lansdale, traduit par Bernard Blanc, Folio/Policier.


L’enfant sauvage façon étasunienne.

Jean Zimmerman s’est décidée à raconter l’Histoire des États-Unis via des histoires. « La petite sauvage » est son deuxième opus paru en français après « Maître des orphelins ». Une enfant trouvée en Virginie qui se donne en spectacle et un rejeton d’une des grandes fortunes faite dans les mines de fer feront partie de la même famille par l’adoption de cette sauvage par les parents du jeunes homme. S’ensuivra une réussite de la fille et un naufrage de la famille dont le père a mal évalué ses chances de construire un monopole mais qui rebondira. Le tout est ponctué d’une série de meurtres a priori commis soit la petite sauvage, soit par Hugo Delegate. Nous sommes à Manhattan en 1876.

Le procédé est connu. Hugo attend les flics au chevet d’un de ses amis mort assassiné. Ses avocats arrivent. Et il se raconte. L’auteure interrompt le récit pour faire souligner par les avocats les impasses logiques du récit ainsi reconstitué. Une bonne idée au départ. Seulement le récit s’effiloche, prend trop de temps. Le manque de rebondissements – sauf à la fin – lasse lecteur. Le coup de théâtre final est un peu cousu de fil blanc et n’est pas annoncé d’une manière logique. Bref, pour le dire crûment, on s’ennuie. Le livre est sauvé par la connaissance que Jean déploie sur l’Amérique de ce temps. Mais ce n’est pas suffisant au regard de cette collection « Grands détectives ».
« La petite sauvage », Jean Zimmerman, traduit par Elisabeth Kern, 10/18, Grands détectives.

Un sujet d’actualité et de société (Comme dit l’auteure via la narratrice)

« Personne ne le saura » est un titre bien choisi pour une intrigue qui repose sur la « drogue du viol », ce composé chimique qui tue toute volonté et noie dans l’oubli les traces de ce crime. La personne qui a fait l’objet de cette agression ne s’en souvient pas. C’est le trou noir. Comment convaincre la police de la réalité du viol ?
Brigitte Gauthier raconte cette plongée dans le noir de la mémoire. Son héroïne, Anna meurt pendant le temps de l’effet de la drogue, là trois heures. L’auteure veut nous amener au cœur de cet enfer pour essayer de retrouver le fil de l’eau de la vie. Une histoire aussi de vengeance d’une femme meurtrie, trompée par son ami et victime d’un prédateur plein de la bonne conscience du mâle incapable d’être dominateur.
Pour des raisons que je n’arrive pas à démêler, c’est le lecteur qui se noie dans les détails. L’écriture n’arrive ni à susciter l’empathie ni avoir le style d’une rapport froid sur les faits. Seule la volonté de cette femme, Anna, arrive à obliger à tourner les pages. La préparation de son retour dans le monde des vivants est bien vu. Il faut accepter, pour s’en rendre compte, d’arriver à la fin.
Nicolas Béniès.
« Personne ne le saura », Brigitte Gauthier, Série Noire/Gallimard.