Un chef d’œuvre et un auteur d’avenir.
La collection s’enrichit d’un chef d’œuvre étrange, « Méchant garçon » – « Bad Ronald » pour le titre original -, d’un auteur qui n’est pas principalement du monde du polar mais plutôt de la science fiction ou de la « Fantasy », Jack Vance. Publié en 1973, il synthétisait toutes les frustrations engendrées par la dite « société de consommation » qui fait des individus des bêtes à désir qu’ils ne peuvent assouvir sauf à sortir de la morale bourgeoise et devenir des parias. Vance décrit un monde où les ados – les « teens » – semblent avoir pris le pouvoir. Plus exactement, il décrit la démission des adultes incapables d’imposer un ordre autre que celui de la marchandise.
Le Ronald en question est un ado de 16 ans, gros limite obèse, couvert par sa maman restée seule avec lui et qui lui passe tous ses caprices. Mal à l’aise avec les filles, il ne sait pas comment plaire. Alors il prend d’autres moyens… Toute la barbarie de la société remonte à la surface, comme les relations factices des parents avec les enfants, de tous ces rapports « marchands » qui envahissent la société pour ne rien laisser de l’amour, de la fraternité. Une manière de voir les « 30 glorieuses » pour montrer que « avant ce n’était pas mieux »… Pour (re)découvrir un grand auteur mort en 2013.
Cette année là – 2013 – Jonathan Ames, un auteur américain, publiait « Tu n’as jamais été vraiment là », une histoire sans début ni fin d’un ex-marine, ex-agent du FBI, Joe. Il est « free lance » et se loue à qui le demande via un ancien collaborateur du FBI. Il est chargé d’une mission par un sénateur qui veut retrouver sa fille. Ames, presque au scalpel, décrit cette tranche de la « vie » de Joe. Les guillemets pour faire référence au titre. Il ne vit pas au sens strict. Il n’est pas dans le monde, ne fréquente personne et fait le travail demandé sans trop d’état d’âme. Une sorte de personnification d’un libéralisme sans âme. En 92 pages, portrait d’un homme, d’une société qui a perdu toute raison de vivre mais poursuit quand même son œuvre de destruction.
On ne peut nier le talent de cet auteur. Quelque fois, il tombe – volontairement ? C’est possible – dans la parodie. Comme lorsqu’il fait vivre Joe chez sa mère… Il ne se passe pas grand chose d’inédit mais la manière de le mettre en scène fait de ce petit livre un polar original.
Nicolas Béniès.
« Méchant garçon », Jack Vance ; « Tu n’as jamais été vraiment là », Jonathan Ames, Folio Policier.