Que vivent les rencontres !
« In Between », entre deux, est la reconnaissance de l’altérité, de la nécessité de l’Autre mais aussi d’autres cultures, d’autres traditions. Stéphane Spira est devenu saxophoniste sur le tard. C’est un choix de vie. Le jazz lui sert de boussole. Une boussole qui peut s’affoler et ne plus savoir où est le Nord. Le perdre n’est pas grave. Ni à Paris, ni à New York, deux Villes-Monde que Spira fréquente assidûment. Ancien compagnon musical de Michel Graillier, un grand pianiste qu’il ne faut pas craindre de réécouter (ses enregistrements, lui nous a quittés brutalement), il mène une carrière des deux côtés de l’Atlantique pour abreuver sa musique d’affluents différents, du blues à la bossa nova en passant par la chanson française. Les rencontres sont vitales pour faire vivre le jazz et bousculer des traditions pour éviter qu’elles ne deviennent des contraintes.
Pour cet album, il s’est entouré de deux jeunes musiciens américains qui en promettent, Steve Woods à la contrebasse et Jonathan Blake à la batterie. Des noms à retenir. Et d’un tromboniste américain vivant à Paris, Glenn Ferris, porteur d’une grande partie de la tradition du jazz, de sa mémoire. Chez Glenn, une mémoire vivante qui n’a rien d’un mausolée mais sait surprendre.
L’alliance saxophone, ténor et soprano, fonctionne. Les compostions sont allègres et savent se servir de toute la palette de cette musique qui n’en manque pas. Elles savent aussi se servir de tous les chemins de traverse. Pourtant c’est l’arrangement de Glenn Ferris sur un thème de Duke Ellington qui commence à retenir l’attention. « Reflections in D » permet au quartet de prendre son essor et invite au voyage. « Flight », composition du saxophoniste, fait la preuve de sa capacité à s’engager pleinement, comme sur « N.Y. Time » ou d’autres. Il arrive que, faute de cette énergie fondamentale dans le jazz d’aujourd’hui, l’ennui gagne. La musique devient lisse et glisse vers la platitude apparente. Dommage. Je suis convaincu que ce quartet doit faire des étincelles sur scène.
Un conseil, écouter cet album jusqu’au bout. Pour des raisons sans doute inexplicables, la musique devient de plus en plus pertinente. La composition qui donne son titre à l’album, « In Between », en un format réduit, parle et parle de ces relations étranges qui unissent deux cultures autour du jazz.
Nicolas Béniès.
« In Between », Stéphane Spira, JazzMax/L’autre Distribution.