Intervention de la FSU, Assemblée plénière du CESER le 22 octobre 2012
Le contexte actuel incite à une réflexion. Non seulement à cause de l’imminence de l’acte 3 de la décentralisation – la traduction en sera un bilan des pôles de compétitivité notamment et un nouveau transfert des compétences -, de la discussion budgétaire au parlement, de la poursuite de la crise systémique du capitalisme mais aussi parce que l’écume sarkozienne a disparu.
Les orientations budgétaires proposées par la Région, comme l’avis proposé de la commission 7 font l’impasse sur l’analyse de la crise systémique que nous traversons et sur l’appréciation de la politique économique nationale.
Le Président du Conseil Régional rappelle dans son édito que les transferts de compétences de l’État central aux Régions n’ont pas été compensés intégralement lors de l’acte II de la décentralisation, obligeant les collectivités territoriales de manière générale à mettre en place une politique d’austérité pour faire face à ces nouvelles obligations. L’augmentation de la dette en résulte logiquement se traduisant, dans certains cas – ce n’est pas le cas de la Région Basse-Normandie – par des emprunts toxiques. Cette augmentation n’est pas un problème en tant que tel si les taux d’intérêts ne s’élèvent pas. Le service de la dette devrait être analysé pour savoir si, en fonction des recettes, il peut-être « digéré ». La réponse ne peut-être une austérité régionale aggravant la politique de rigueur nationale conduisant à une dépression économique.
L’absence de politique de lutte contre la logique dominante des marchés financiers – temps court, critères – laisse le champ libre à l’extension d’une crise financière et d’une crise économique dont la profondeur s’accentue, sans parler de la crise écologique qui reste sans solution. Sous prétexte de la lutte prioritaire contre la crise économique et financière est laissé de côté la nécessité des moyens à mettre en œuvre pour commencer à résoudre la crise écologigique. La simple logique économique voudrait que soit mis en œuvre des mesures permettant de redonner du souffle à la croissance en passant par la création de services publics, de biens communs dont fait partie la lutte contre le réchauffement climatique.
. Notre région est profondément touchée par les restructurations – plutôt faudrait-il dire déstructurations – actuelles. Les PME sous traitantes des grands groupes ne peuvent résister. Le chômage augmentera. Les inégalités territoriales déjà dévastatrices ne pourront que s’aggraver. L’acte 3 de la décentralisation ne semble pas être revu, contesté dans ses perspectives. Si l’on en croit un discours récent du Président de la République, il s’agirait toujours d’axer le développement sur les Métropoles. La plupart des grands projets doivent être compris à cette aune. Le Président du Conseil régional peut toujours déclarer (Ouest France de ce matin) qu’il est toujours d’accord pour la Ligne Nouvelle, cette volonté ressemble à un vœu pieux en fonction des décisions en train d’être prise au niveau national. Même si les fonds européens seront gérés directement par les Régions, leur montant sera discuté au niveau inter-gouvernemental.
Le nouveau gouvernement issu des dernières élections poursuit dans une voie suicidaire au regard des causes de la crise. La politique de rigueur ne peut qu’accentuer la récession qui a déjà commencé, avec une croissance zéro. Les objectifs affichés ne seront pas réalisés. Ni en terme de croissance, ni en terme de réduction des déficits publics.
La Banque Publique d’Investissement – BPI – pourrait être une solution à deux conditions. La première est en lien avec les causes de la crise. Il faut sortir de la logique des marchés financiers. Le courtermisme est contradictoire avec l’investissement productif dont le temps se situe dans le moyen terme, sur 5 ans ce qui supposerait de renouer avec une planification. Les premières déclarations de Jean-Pierre Jouyet, nouveau président de la BPI, n’incitent pas à l’optimisme. Dire « La BPI n’est pas faite pour aider les canards boiteux » mais « aura vocation à maintenir l’activité », n’est pas cohérent. Comment maintenir l’activité si le gouvernement et ses représentants acceptent la logique de déstructurations actuelles qui ne répondent qu’à l’impératif de valorisation de leur capital, en acceptant la logique courtermiste qui domine actuellement.
Pour la Région, la discussion autour des conditions à définir pour les aides aux entreprises est vitale. Elle doit déterminer les orientations de la Région. Qui aider ? Dans quel but ? Faut-il ou non entrer dans le capital de ces entreprises ? Comment peser sur les décisions stratégiques ? Quelle politique de formation adaptée ?
Sur ce terrain de la formation, le recours systématique à l’apprentissage n’est pas la panacée. Il est nécessaire de négocier avec l’Education Nationale pour déterminer les formations nécessaires. La référence à un « service public de formation permanente » ne peut constituer un objectif. Son périmètre, ses critères ne sont totalement défini. Parler de finalités d’un service public n’a pas de sens dans un cadre régional. La question tourne autour de l’application – non encore traduite dans le droit français – de Service Social d’Intérêt Général. Le flou domine. La discussion devrait s’ouvrir, avec les organisations syndicales, pour donner un contenu à la volonté de ne plus passer par les marchés publics.
Du coup, les incertitudes ne sont pas levées. Quelle est la stratégie ? Comment créer les emplois de demain ? Quelle politique d’aménagement du territoire mettre en place pour lutter contre la tendance à la désertification ? Comment peser sur les choix nationaux et européens pour mettre en place une politique favorable aux acquis sociaux ?
Le discours actuel sur la « compétitivité » cache mal la volonté de régression sociale. « Le choc de compétitivité » que réclame le Medef n’est rien de moins que la fin de deux droits issus de la Libération, le droit du travail et celui de la Sécurité Sociale. La baisse du coût du travail ne résoudra aucun des grands problèmes auxquels est confronté la société française, en premier lieu la désindustrialisation. Il faudrait une politique consciente de développement industriel, de ré-industrialisation pour faire face aux impératifs de la crise et de la mutation qu’elle suppose. Le monde d’hier est mort. Il faut en construire un autre.
Les incertitudes se développent à tous les niveaux. A un moment donné, comme en octobre 1929 à Wall Street, la panique deviendra rationnelle balayant tout sur son passage. Il faut une vision politique, déterminer la ligne générale. Définir un avenir possible, est une des façons de construire l’espoir et d’offrir une perspective crédible de sortie de crise.
Nicolas BENIES.