Le coin du polar

Polars de tous les pays…

Juan Pablo Villalobos publie son premier roman, « Dans le terrier du lapin blanc ». Ce n’est pas un polar au sens strict, plutôt une fable à connotation « noire » pour faire connaissance avec son pays, le Mexique. Il fait parler le fils d’un narcotrafiquant avec l’incompréhension supposée des enfants. Le procédé avait déjà utilisé dans ce chef d’œuvre, « Fantasia chez les ploucs ». Ici, c’est un peu laborieux. L’environnement, une sorte de palais fou, avec animaux sauvages qui sent le renfermement, un père qui cède tout à son fils – celui qui dit « je » – sans parvenir à lui donner de l’amour et…une mère. On l’entend pleurer. Tout, du coup est suggéré. La corruption des élites, la nécessité de fuir soit la guerre des gangs, soit la police fait la trame d’une vie en dehors du monde. On peut même y trouver une explication de l’affaire Florence Cassez… Bref, en quelques pages une vision du monde.

Jérôme Leroy, auteur de plusieurs romans, a voulu entrer dans la série noire. Avec « Le Bloc », il suit les traces de « Je suis un fasciste ». Une sortie de biographie croisée de deux fascistes d’aujourd’hui. L’un, Stanko, a vécu les restructurations des Houillères à Denain et hait le monde entier via le prisme du racisme et est devenu le chef du service d’ordre du « Bloc », l’autre, Antoine, est écrivain et mari d’Agnès, la fille du créateur du « Bloc ». Ils se racontent dans un contexte de guerre civile qui oblige les partis de droite à faire entrer l’extrême droite au gouvernement. Intéressant et décevant tout à la fois. La figure de Stanko est une vraie figure, celle de l’intellectuel est beaucoup plus floue. Difficile de construire un polar…

David S. Khara est présenté comme « la révélation Thriller » et il faut avouer qu’il a du talent. Mais son personnage tient du James Bond du pauvre. Eytan Morg est un agent du Mossad chargé de curieuses missions et un rescapé des camps de la mort. Toute l’affaire tourne autour des manipulations génétiques pour construire le « surhomme » exigé par Hitler. Une bonne connaissance de l’Histoire donne du relief à la thèse ici développée, « Le projet Bleiberg ». une partie d’invention sur une base réelle. Seulement, les héros qui se sortent de toutes les situations ne peuvent pas convaincre. D’autant que Eytan se retrouve dans le nouvel opus…

Comment écrire l’histoire récente de l’Irlande du Nord, cette partie restés sous domination anglaise pendant trop longtemps, souvenir du colonialisme triomphant. Pour son premier roman, Stuart Neville, a choisi une histoire de cauchemar, « Les fantômes de Belfast ». Gerry Fegan un ancien de l’IRA, boit pour oublier 12 ombres qui le sollicitent. Pour se débarrasser de ces hôtes encombrants, il tue les responsables des meurtres. A chaque fois, l’un des fantômes disparaît… L’auteur tire ainsi les fils de cette Irlande un peu trop ignorée de nos jours. On peut ne pas partager ses prises de position politique tout en reconnaissant qu’un romancier est en train de naître… s’il peut se débarrasser de ses propres fantômes.

Le « Da Vinci Code » – qui a mal vieilli – a ouvert la voie à d’autres auteurs. Samuel Delage, ingénieur dans le civil et passionné de la Renaissance et de la cryptologie a voulu, dans une sorte de quête initiatique et amoureuse, suivre une chasse au trésor de deux jeunes gens dans « Code Salamandre ». Intéressant mais un peu téléphoné, le titre donne déjà une indication. Quelques trouvailles qui gardent le lecteur. A découvrir. Un premier roman.

Nicolas Béniès.

« Dans le terrier du lapin blanc », Juan Pablo Villalobos, Actes Sud, ; « Le Bloc », Jérôme Leroy, Série Noire/Gallimard ; « Le projet Bleiberg », Davis S. Khara, 10/18 ; « Les fantômes de Belfast », Rivages/Thriller ; 3code Salamandre », Samuel Delage, Belfond.