Le polar et l’esprit des temps.

Des histoires qui se ressemblent…

 

La pédophilie, les actes barbares contre les enfants pouvant entraîner la mort sont des inventions récentes. La famille était un endroit clos. Le père avait tous les droits. Notre temps aura le mérite de punir ces violences conjugales et familiales. Avec tous les dérapages allant de pair avec cette reconnaissance comme l’a montré l’affaire d’Outreau.

Deux polars récents centrent leur intrigue sur ces abus sexuels. Le premier se passe à New York et met en scène, pour sa troisième enquête Madeline Dane vivant dans le même milieu « wasp » de l’auteure, Cornelia Read, « L’Enfant invisible ». Elle décrit, avec ironie, de la colère et un peu de ressentiment cet environnement façonnant des personnages obligés de répondre aux critères de cette « bonne » société. Madeline, comme Cornelia, s’en sont sorties, elles peuvent donc la mettre à distance. Les divorces se succèdent et les mères font semblant d’ignorer les comportements de leurs conjoints vis-à-vis des enfants. Les traumatismes sont profonds. Pour poser toutes ces questions, elle met en parallèle la mort d’un petit garçon noir de trois ans – c’est le thème principal – et le viol de la sœur de Madeline par un des conjoints de la mère qui ne voudra jamais voir la réalité. Intéressante est la volonté de faire évoluer des femmes de milieux différents, la policière, la « procureure » noire, l’avocate de la défense… pour dessiner un monde en train de subir des transformations. Une sourde angoisse perce, au-delà de l’histoire elle-même, d’un pourrissement généralisé. Elle gagnerait – le lecteur aussi – à être elliptique de temps en temps… Les dernières pages ouvrent la porte à une nouvelle enquête…

Cette même angoisse se retrouve dans « La mort dans les yeux ». Une histoire plus compliquée, moins linéaire, qui fait appel à la psychologie, au passé, aux bizarres relations entretenues entre les personnages dans un Oslo qui se perd un peu dans le brouillard des peurs. Là aussi, l’héroïne, Liss, consomme de la cocaïne puisque mannequin et anorexique comme il se doit. Elle recherche sa sœur, psychologue, alors qu’elle croit avoir tué un maître chanteur… Une nouvelle figure du détective privé, un renouvellement bien venu, nécessaire. La violence est dans les comportements qui révèlent l’état de cette société. Un polar norvégien qui met à jour les soubassements sociaux et politiques. Un auteur, Torkil Damhaug à découvrir.

Nicolas Béniès.

« L’Enfant invisible », Cornelia Read, traduit par Laurent Bury, Actes Noirs/ACTES SUD, 408 p. ; « La mort dans les yeux, Torkil Damhaug, traduit par Hélène Hervieu, Policiers/Seuil, 509 p.