Construisons nos souvenirs

L’automne est aussi la saison du jazz

Les festivals de jazz, comme tous les autres, connaissent des problèmes existentiels. Les subventions publiques baissent- les pouvoirs publics à tous les niveaux considèrent que la culture ne sert à rien – même si le public est souvent au rendez-vous. Leur survie est menacée. Le choc de la pandémie – plusieurs siècles se sont déroulées depuis – avait suscité des interrogations de fondamentales sur l’avenir de toutes les manifestations culturelles. « Réinventer » pouvait-on lire dans les gazettes, « Imaginons » d’autres formes, d’autres modalités pour favoriser la création. Tourner le dos à la culture de la réussite pour éviter la répétition et la routine. L’échec est une composante inhérente à toute innovation. La marchandisation, et la pandémie fut une vraie leçon de choses, est un facteur d’encrassement de la culture. Le fameux « retour sur investissement », financier comme de notoriété, enlise les responsables culturels dans les sables du « moindre coût ». L’imagination n’a pas pris le pouvoir. Le « comme avant » sécurisant, a remporté la palme. Les changements se sont fait à la marge.

La culture est un condensé de nos mémoires, d’un passé composite, pluriel qui a forgé nos références. Cette tradition supposent, pour vivre, d’être bousculées pour entrer dans la modernité. Regarder l’avenir dans le passé est mortifère. « C’était mieux avant » est un eldorado mythique.
Les gouvernements autoritaires s’attaquent d’abord à la culture vivante pour diffuser des « vérités alternatives » qui tuent tout esprit critique, toute connaissance.
La culture, dans ce monde, à un rôle essentiel. Pour réunir des histoires différentes, pour les faire dialoguer, pour exprimer notre commune humanité dans la danse, la musique, le théâtre, le cinéma…
Les festivals, pour le présent, sont des lieux actifs de rencontre. Ils permettent au jazz, pour ce qui nous concerne, de prospérer, d’agir et de montrer sa capacité à interroger le monde en rencontrant le public.
Il faut savoir collectionner le jazz vivant pour forger des souvenirs qui se transforment en autant d’armes de combat, certes insuffisantes mais nécessaire pour notre santé mentale individuelle et collective.
En voici deux
« D’Jazz Nevers » a publié une brochure de présentation à l’allure psychédélique de bon augure pour une programmation à la fois classique et novatrice. La vedette incontestée sera le pianiste jamaïcain Monty Alexander qui, vraisemblablement, rendra hommage à son maître Oscar Peterson qui aurait eu 100 ans cette année. Il n’oublie pas ses racines caribéennes.
Le festival veut faire aussi découvrir d’autres sons avec une création d’un trio inusité, basson -Sophie Bernado -, clarinette – Catherine Delaunay – et guitare – David Chevallier qui devrait permettre de faire résonner d’autres réminiscences, échos d’un futur possible. Plusieurs duos aux mariages étranges sont annoncés. Une forme minimaliste pour permettre la liberté la plus grande. Vincent Courtois, violoncelle/Colin Vallon, piano ; Eric Löhrer, guitare/Jean-Charles Richard, saxophones soprano et baryton pour un hommage vivant à Steve Lacy, et d’autres encore.. Des trios, de la pianiste Kris Davis à découvrir ainsi que celui qui se cache derrière « Chien lune » – la reprise des compositions de clochard céleste Moondog croisé dans les rues de New York -, Pascal Berne, bassiste et arrangeur, Elvire Jouve, battrice et Damien Sabatier, saxophones et guitares.. Pour mettre le feu aux oreilles et avoir envie d’en savoir plus.
Comme les années précédentes, le festival vous propose de devenir complice pour le faire vivre, un risque en ces temps de régression culturelle.
L’autre vedette de Nevers, Emmanuel Bex, organiste qui rend hommage à Eddy Louiss, se retrouve dans « Jazz au fil de l’Oise , pour une visite des villes du département, en compagnie de la saxophoniste baryton Céline Bonacina, une rencontre pleine de feu et de flamme. « Flash Pig », un quartet qui nous rejoue « The mood for love » mêlant le jazz et le cinéma, est aussi des deux festivals. Le violoncelle est l’instrument clé, dans l’ai du temps. Il sera à la fête et de la fête, en duo Vincent Segal dialoguera avec Stéphane Kerecki, un des contrebassistes qui comptent, qu’il faut entendre, et dans le groupe qui ne cache pas cette présence « Double Celli » – cello est le terme anglais pour violoncelle. Le trio Joubran, originaire de Nazareth proposera « Vingt printemps », annonciateur d’une paix durable sinon éternelle si l’on en croit Trump, musique qui sait la tradition pour ouvrir le dialogue avec d’autres cultures pour construire des relations dépassant tous les préjugés. Yom, clarinettiste klezmer, proposera une création, « Hypnotic Tremple » en forme de conclusion provisoire…jusque l’année prochaine.
De quoi tisser un filet de souvenirs…
Nicolas Béniès

D’Jazz Nevers, du 8 au 15 novembre, 39e édition, rens. bigbandjazz.com
Jazz au fil de l’Oise, jusqu’au 16/12, rens. jazzaufildeloise.fr