Les enjeux de la contre révolution trumpienne
La plupart des commentateurs insistent sur l’aspect économique de la politique mise en œuvre par Trump depuis son arrivée à la Maison blanche. Il est effectivement en train de détruire le libre échange mise en place à partir des années 1980 connu sus le nom pour le moins étrange de « mondialisation heureuse » et représenté par l’Organisation Mondiale du Commerce, aujourd’hui moribonde. Il poursuit en l’approfondissant un travail de sape commencé sous Obama et poursuivit par Biden. La pandémie a révélé l’hypermondialisation et la place de la Chine comme filiale d’atelier pour les formes transnationales. Le thème de la souveraineté nationale a occupé le devant de la scène passant par la nécessité de réindustrialiser. Les États-Unis de Biden ont compris le message. Les investissements aux États-Unis ont été conséquence financés en partie par les subventions de l’État fédéral , comme en Chine. Pendant ce même temps l’économie allemande subissait une crise industrielle de première importance se traduisant par deux ans de récession – en 2023 et 2024 – avec une prévision de croissance zéro pour 2025. Son client le plus important, la Chine, s’est fortement industrialisé et n’a plus besoin des productions allemandes. Le nouveau gouvernement de coalition Droite et SPD (parti socialiste) ont décidé d’augmenter leur endettement pour financer les dépenses militaires et, ainsi, restructurer de fond en comble leur industrie obsolète. L’Europe, logiquement, devrait suivre et réfléchir au besoin de protéger des industries naissantes face au marché mondial. La réindustrialisation actuelle n’a pas grand-chose à voir avec une relocalisation, il faut imaginer une nouvelle industrialisation dans un contexte marqué par la guerre en Europe.
La politique économique trumpienne semble avoir déstabilisé les marchés financiers. Le mal est plus profond. Les augmentations de profit – et de dividendes – sont liées à des changements dans la mondialisation. La chaîne de valeur a été durablement affectée par la pandémie qui a ouvert la porte, via la planification, à l’entrée de la Chine dans les pays les plus développés – dans tous les domaines – quittant son rôle de filiale d’atelier. Les firmes multi,nationales ont été obligées de raccourcir la mondialisation pour tenir compte de cette nouveauté. Transformation qui s’est traduite, dans un premier temps, par l’augmentation des prix, notamment de l’énergie et des transports, hausse démultipliée par la spéculation sur les marchés financiers. Cette hausse des prix – qui n’est pas de l’inflation à proprement parlé – ne pouvait se poursuivre. Comme la hausse continue des Bourses dans un environnement de plus en plus marqué par la récession. Seuls les États-Unis faisaient exception jusqu’à présent. Tous les indicateurs se retournent et c’est une récession mondiale qui se profile.
On a beaucoup insisté aussi sur la « folle » de Trump, sur ses retournements, sur les tarifs douaniers sans appréhender que ces actions s’inscrivaient dans un cadre politique plus large. Son projet est de réussir le coup d’État raté lors de la fin de son premier mandat en contestant toutes les institutions à commencer par l’Etat fédéral que Elon Musk est en train de privatiser supprimant toutes les agences d’aide au développement ou de reglementation. C’est le sens libertarien de son action, à l’instar de Milei en Argentine. Toute la tech est pour cette contre révolution comme les plus ,riches qui veulent sauvegarder leur privilège. Pour ce faire, ils veulent supprimer toutes les conquêtes démocratiques. Trump, sur une erreur administrative – la déportation d’un émigré qui avait le droit de rester -, refuse de reconnaître la décision de la Cour Suprême qui lui enjoint de le rapatrier…
Derrière se met en place une nouvelle légitimation des gouvernements : non plus l’onction démocratique par le vote mais celle de la religion, l’oint du Seigneur, retour au Moyen Age. L’idéologie du nationalisme sert de ciment à cette contre révolution. Avec les droits de douane, il habitue les populations à un pouvoir autoruitaire. Pas étonnant s’il constitue une internationale contre révolutionnaire – pas seulement réactionnaire – contre toutes les révolutions, sorites de crise, dont nos sociétés ont besoin. Pas étonnant qu’il soit aussi climato sceptique…
Nicolas Bénies
Voir aussi mon article « Révolution et contre révolution » sur mon site www.soufflebleu.fr