Musiques de notre présent étrange
Les tempêtes dessinent-elles la poésie de notre environnement soumis aux mutations climatiques provoquées par les activités humaines ? Les tempêtes nécessaires redessinent le monde soumis à l’épreuve de ses changements. La poésie de la musique se doit d’exprimer cette entrée dans un temps troublé étrange dans lequel le passé semble le seul avenir. Comme en réponse, Sylvain Cathala, compositeur, découpe le temps, déplace la mesure pour dégager de nouveaux tempos et joue sur les dissonances. Ralentir l’écoulement du temps, étirer la durée pour lutter contre la fatigue des crises, pour trouver de nouvelles raisons de créer.
Le saxophoniste ténor sait se servir des mémoires du jazz en entremêlant les sonorités pour poursuivre le rêve coltranien d’une musique du bonheur universel. Bien sur, cette musique composée en 2020, est inscrite dans la pandémie, dans ce moment étrange où une grande partie de l’activité s’est arrêtée. La mélancolie prend sa part sur la scène du Triton, ce club qui se veut ouvert à toutes les expériences. La profondeur du son envahit tous les espaces sans laisser de place à l’espoir. L’espérance seule reste présente.
Le quintet réuni par le compositeur, Olivier Laisney, trompette, sonorité souvent acide pour exprimer l’ambiance pandémique, Benjamin Moussay, piano, s’inscrit dans le découpage du temps pour aller vers des frontières inconnues, au-delà des mots, Frédéric Chiffoleau fait chanter la contrebasse pour évoquer le murmure du temps, des passés et Maxime Sampieri capable d’abattre la métrique habituelle pour faire naître d’autres battements de cœurs qui structurent les rythmes de notre vie. « Poetry of Storms » provient de la rencontre du quintet et du Triton, un club de l’autre côté du périphérique.
Nicolas Béniès
« Poetry of Storms », Sylvain Cathala quintet, Le Triton/L’Autre Distribution