Valentine Goby, en voulant écrire sur Auschwitz un roman « Kinderzimmer » (Actes Sud), avait découvert l’œuvre étrange, magnétique, poétique de Charlotte Delbo Déportée dans ce camp de la mort, elle avait voulu témoigner pour conserver la mémoire de ses compagnes de détention et de l’environnement étrange dans lequel il fallait se mouvoir. La question qu’elle pose est redoutable : comment rendre compte, comment donner à lire ? Il lui a fallu trouver un langage pour répondre à ces questions. Charlotte Delbo se servira de tous les moyens de la littérature pour triturer les mots, les phrases pour forcer le lecteur à pénétrer dans cet univers à la géographie inconnue. Delbo avait voulu dompter les mots, les casser pour leur faire dire l’indicible.
Elle attendra 20 ans avant de voir publier l’ouvrage qu’elle avait écrit au retour des camps lors de sa renaissance après sa libération de Birkenau. Charlotte Delbo est capable de vous donner un aperçu de la non vie dans ces camps avec le simple mot « soif » qui prend un air singulier. Avoir soi c’est ne plus pouvoir parler. Les mots sont asséchés et la communication avec les autres perdues. Les compagnes de détention font preuve de solidarité pour lui permettre de revenir à la vie.
Un témoignage qui se retrouve dans tous les récits oraux ou écrits des déportés. Les femmes ne sont pas souvent évoquées. Il faut lire aussi Delbo pour cette raison.
Valentine Goby permet de s’introduire dans cette œuvre en faisant de cette solidarité qui permet de lutter contre la soif de l’oubli.
« Je me promets d’éclatantes revanches » avait-elle écrit à Louis Jouvet dont elle fut la secrétaire dés le retour des camps. Charlotte Delbo avait promis d’écrire la réalité de la vie de ces femmes déportées avec elle. Elle l’avait promis, les 230 déportées – 49 sont revenues – lui avaient demandé. Jacques Chancel, rappelle Valentine Goby, dans son émission Radioscopie du 2 avril 1974 – qu’il faut écouter sur le site de France inter pour avoir dans la tête son accent parisien et sa force, son rire -, affirmait doctement : « On n’en sort plus de tout cela », comprendre comment vivre après les camps, elle avait répondu « je crois au contraire que j’en suis sortie » pour montrer que la vie est un don qu’il ne faut pas refuser. Elle prétend que écrire permet de projeter le passé pour s’en débarrasser mais pas pour oublier.
Goby propose une « Lecture intime de Charlotte Delbo » et elle réussit à la fois de parler d’elle en parlant de Charlotte Delbo. Elle, c’est essentiel, donne envie de lire et de relire sa littérature, ses livres, ses pièces de théâtre dont « Aucun de nous ne reviendra », une phrase qui va s’imposer à toustes présents dans les camps.
Pas une bio au sens propre mais un hommage vivant. Ainsi Valentine Goby et Charlotte Delbo démontrent que, pour parler d’Auschwitz, l’entrée principale ce fait par les mots, par la littérature.
Charlotte Delbo semble un peu laissée de coté
Nicolas Béniès.
« Je me promets d’éclatantes revanches », Valentine Goby, Babel.