Le 5 février 2018, les places financières chutaient…
Les marchés financiers souffrent d’une maladie à la mode, Alzheimer. Ils ne se souviennent pas du passé, font fi de tous les scénarios des deux crises financières précédentes – août 2007 et 2011, la crise dite de l’euro. Incapables de déceler les signes avant-coureurs, ils s’enfoncent dans leurs croyances en un marché autorégulateur. Le réveil sera amer malheureusement pas seulement pour ces traders.
Le 5 février, les marchés ont été secoués par une chute brutale de tous les indicateurs boursiers. Depuis, la volatilité – autrement dit l’impossibilité de prévoir les mouvements financiers au jour le jour – est revenue en force.
Les causes du retour de la volatilité.
En août 2015, les Bourses chinoises ont chuté, sans affecter l’ensemble des marchés financiers. L’explication réside dans une intervention sans précédent de toutes les banques centrales à commencer par la Chinoise qui ont décidé d’ouvrir grandes les portes du crédit en baissant massivement les taux d’intérêt. Pour stabiliser les marchés, elles ont créé massivement de la monnaie pour acheter des obligations d’États et de grandes entreprises pour sécuriser le marché. Débarrassés du risque, les opérateurs financiers et les grandes entreprises ont spéculé sur les actions, seul terrain possible pour réaliser des bénéfices.
Dans la zone euro, des taux faibles sinon négatifs pendant un temps, les rachats d’obligations par la BCE se sont traduits par une envolée de la dette privée.
La politique monétaire de Quantitative Easing ne pouvait pas durer. La FED, la banque de réserve fédérale américaine, a commencé à inverser le mouvement, en augmentant ses taux directeurs. La BCE, libérée par le départ de Mario Draghi, suivra le mouvement comme, vraisemblablement, touts les autres banques centrales. La fin de l’argent facile, à l’origine de cette envolée des cours, faisant franchir le mur de ses niveaux précédents au Dow Jones, l’indice phare de la Bourse des New York. Le danger principal se trouve dans cette montée de la dette privée à des fins spéculatives et pas d’investissements productifs
La décision de Draghi de continuer à créer de la monnaie – passant de 60 milliards fin 2017 à 30 milliards début 2018 – montre les difficultés de l’arrêt de cette politique. Les risques sont énormes. Le marché obligataire pourrait s’écrouler si les taux d’intérêt montent. L’absence de filet de sécurité de la création monétaire – la BCE est le premier créancier des États de la zone – pourrait accélérer les processus de chute et de crise financière ouverte.
Une lecture du coup de semonce.
Les idéologues néo classiques ont été chercher dans la baisse du chômage aux Etats-Unis, les causes de la hausse des taux d’intérêt. La séquence : Baisse du chômage/hausse des salaires/inflation/hausse des taux est un classique. Qui ne répond en rien à la réalité. La hausse des salaires, aux Etats-Unis comme ailleurs, est limitée par une précarité généralisée et des conditions de travail dégradées et l’inflation reste bien sage, aux alentours de 1,1% pour la zone euro.
L’explication est à la fois plus simple et plus complexe. La crise financière, la troisième, aurait dû se déclencher le 15 août 2015. Les baisses des taux d’intérêt et la création monétaire ont permis de différer l’entrée dans cette crise ouverte.
Le coup de semonce du 5 février ne peut être pris à la légère alors que la croissance dont tout le monde se gargarise est relativement faible. Le tout se traduira par une nouvelle déflagration, une récession d’autant plus profonde que la réglementation des marchés financiers a reculé dans tous les pays développés. .
Nicolas Béniès.