Aux origines de la contre-culture aux Etats-Unis dans les sixties.
2017 a fêté un cinquantenaire un peu passé inaperçu sauf sur les lieux du crime. San Francisco, sur la Côte Ouest des Etats-Unis, a vu déferler tout ce que la Californie et au-delà comptaient de Hippies et autres survivants des années dites psychédéliques. 1967 est la date retenue pour la naissance de cette contre culture qui semble née de rien, sinon d’une réaction à la guerre du Viêt-Nam. Fred Turner, directeur du département des sciences de la communication à l’Université de Stanford et ancien journaliste a voulu comprendre les racines un peu cachées de cette émergence d’une culture de la jeunesse de ces sixties.
Il propose, dans « Le cercle démocratique », une véritable enquête dans les soubassements culturels de la société américaine. Son point de départ : la réaction au fascisme et au nazisme qui se servent des nouveaux instruments de communication comme la radio pour embrigader les masses, les faire marcher au pas de l’Oie et tuer dans la répétition martiale tout esprit critique. Les intellectuels de toute sorte, surtout des ethnologues, Margaret Mead en particulier, vont se mobiliser pour lutter contre le fascisme extérieur et intérieur pour construire « l’être humain démocratique ». Construction qui passe par une réflexion sur tous les médias. La stratégie proposée sera celle de l’encerclement – « surround » – démocratique.
Commencée dans les années 1930, cette stratégie rencontrera celle des créateurs du Bauhaus, à commencer par Grotius. C’est Noholy-Nagy qui jouera le rôle le plus importent en tant qu’ éducateur de cet esprit américain. Le Bauhaus, constitué après la Première Guerre Mondiale avait comme projet de s’inscrire dans l’industrialisation de la société pour, via le design, la contester de l’intérieur. L’objectif était de créer l’« homme nouveau » pour mettre en œuvre le socialisme. A l’épreuve de l’exil, cet « homme nouveau » deviendra « l’homme américain » porteur des valeurs démocratiques.
L’auteur non seulement insiste sur cette rencontre permise par l’exil mais fait aussi la part de toutes les tentatives pour rompre avec la marchandisation, facteur de diffusion du fascisme. Ainsi la composition de John Cage, « Silence » mais un silence programmé de minutes et de secondes pour inciter les « auditeurs » à s’interroger sur l’organisation des sons.
Il est donc question, comme le sous titre l’indique, du « design multimédia de la Seconde Guerre mondiale aux années psychédéliques », une sorte d’histoire culturelle du 20e siècle fomentant toutes les révolutions numériques qui marquent ce 21e siècle.
Nicolas Béniès.
« Le cercle démocratique », Fred Turner, traduit par Anne Lemoine, préface de Larisa Dryansky, C&F éditions.