Cadeaux à faire et à se faire

Le temps de lire…
« Correspondance Albert Camus, Maria Casarès »

Maria Casarès, tragédienne, ne peut pas s’oublier. Sa voix un peu enfumée laisse des traces dans toutes les mémoires. Comédienne totale, vraie, elle se laissait emporter par les passions de son personnage devenues les siennes. Il est impossible de l’imaginer sans emportements, sans colères et sans amour. Libre surtout face aux contraintes de ce temps, les années cinquante, intransigeantes de morale imbécile. Fille d’un Président du Conseil de la deuxième République espagnole, exilé à Paris en 1936, Maria Casarès a débuté sa carrière d’actrice en 1942. Elle a vingt ans. Deux ans plus tard, elle rencontre Albert Camus chez Michel Leiris – homme lige de ce 20e siècle – et… ce n’est pas le début de l’amour. Elle mettra fin à cette liaison. Il faudra attendre le 6 juin 1948 – comme un anniversaire – pour que commence réellement cette liaison tourmentée mais aussi belle comme seule sait rendre la vie surréaliste et fantastique un amour fou.
Albert Camus a déjà publié « L’étranger » et le « Mythe de Sisyphe » en 1942. Après la guerre, sa reconnaissance est assurée. Il multiplie les liaisons en marge de Maria Casarès. Maria, sans doute, laisse aussi parler son corps et son esprit lorsqu’elle joue au TNP avec ses compagnons de fortune. C’est le temps de la décentralisation culturelle. C’est le temps des troupes de théâtre, c’est le temps de la culture considérée comme un service public.
Maria raconte aussi dans ses lettres cette vie, la sienne quelquefois épuisante mais pleine de bonheurs liés aux rencontres avec des textes, des auteurs, les publics. Elle raconte le théâtre, le spectacle vivant et elle-même.
Sa correspondance s’affine au fur et à mesure des années. Son écriture est moins naïve mais tout autant engagée, enthousiaste. Elle aime et ça suffit pour vivre pleinement.
Les réponses de Camus – curieux, que Albert ne vienne pas spontanément – sont plus mesurées, plus « habituelles ». Peut-être est-ce-nous qui ne sommes pas à même de peser la force des mots qu’il emploie. A cause de notre connaissance de l’œuvre. Pas de surprise à cette lecture. Contrairement à la découverte de l’écriture de Maria Casarès.
L’échange s’arrête un jour de janvier 1960 avec la mort de Camus dans un accident de voiture…
Nicolas Béniès.
« Albert Camus, Maria Casarès, Correspondance 1944-1959 », Avant-propos de Catherine Camus, Gallimard/Blanche.

Le temps de lire…
Une histoire folle et rationnelle.

Peter Handke, écrivain autrichien, s’est lancé dans le fantastique non pas pour fuir la réalité mais pour sublimer le quotidien, pour y chercher des raisons de croire et d’espérer. « Essai sur le fou de champignons », sous titré « Une histoire en soi » nous entraîne dans la recherche de l’aspiration, pour citer le personnage que le narrateur met en scène soit une double distanciation de l’auteur. L’aspiration décrit le moment où l’environnement, le « réel » se transforme, où le miracle arrive. Pas celui des Écritures, mais celui de la sublimation soit de la nature, ces champignons issus de la pourriture par exemple, ou un enfant rencontré par hasard ou un coureur dans les bois.
A force de descriptions des détails, Handke nous fait entrer dans un autre univers. Daniel Arase avait écrit sur « Le détail ». Il parlait de peinture et essayait de montrer que l’avant-garde, l’orteil dans le futur, se trouvait souvent dans un détail du tableau. Il fallait observer minutieusement pour tout simplement le voir. C’est aussi le message de Peter Handke rejoignant le poète Jacques Réda. La poésie, la transcendance sécularisée existe. Il faut les chercher là où elles sont, autour de nous. A notre porte. Il faut ouvrir les yeux, l’esprit pour les apprécier.
N.B.
« Essai sur le fou des champignons. Une histoire en soi », Peter Handke, traduit de l’allemand (Autriche) par Pierre Deshusses, Gallimard.