Université populaire Economie le 6 juin 2017

Bonjour,

Pour ce 73e anniversaire du débarquement,,je vous rappelle mon livre « Le souffle de la liberté » sur le jazz de cette époque, 1944 et un peu avant, pour répondre à la question quel jazz en 1944-45, aux éditions C&F. Pas de rapport ,avec l’économie ? Pas tout à fait. La Libération voit la (re)naissance d’un Etat qui s’incarne dans une nouvelle forme. Le libéralisme est, pour un temps, abandonné. Dans « La grande transformation », Karl Polanyi écrira que le grand mérite de notre époque est d’avoir rompu avec le libéralisme responsable de la profondeur de la crise de 1929 et, ajoutons, surtout de l’aveuglement des dirigeants incapables de comprendre la crise.
La forme de l’État devient sociale et nationale. Les ordonnances Croizat de 1945 crée la Sécurité sociale qui devient une nouvelle branche du droit et le droit du travail. En tendance, cette forme restera présente jusque dans les années 1980. Les résistances, retours en arrière n’ont pas manqué particulièrement sous la présidence Pinay, un ancien collabo. Pénétré de libéralisme économique, « le père Pinay » comme on disait a trouvé le moyen d’émettre un emprunt qui a couté très cher et longtemps soi disant pour répondre au déficit budgétaire. Ce dogme de l’équilibre des finances publiques pourtant durement critiqué par Keynes et plus encore par Polanyi, est resté très présent notamment du côté de Jacques Rueff un des économistes conseils du Général de Gaulle, à ses côtés en 1958 et responsable du nouveau franc qui se met en place en 1960.
Par contre la rhétorique de l’endettement ne fait pas pas partie des discours de l’époque. La révolution libérale des années 1980 insistera beaucoup plus sur le déficit budgétaire – les fameux 3% du Pib – que sur la dette elle-même. Seule la dette des Etats-Unis sera véritablement prise en compte pour dire que « ça ne pourra plus durer ». On parlera des « Twin Deficits », celui des finances publiques et de commerce extérieur. La dette des Etats-Unis sera le symptôme d’un changement. Depuis la fin de la Première guerre mondiale les Etats-Unis prêtaient au reste du monde, à partir du milieu des années 1980 – disons 1985 pour situer – ils deviennent les débiteurs du monde.

Un peu de sociologie économique sur la dette.
En terme de sociologie économique, la question de la dette n’apparaît qu’en…2005. L’endettement public – paradoxalement, il est peu question de l’endettement privé – se projette sur la scène médiatique et ne la quittera plus. Le calcul lancé par Bayrou fait fureur. Chaque français, à sa naissance, devra rembourser une somme qui provient de la division total de la dette/nombre d’habitants. Une manière de faire peur. Or ce calcul est faux. Le numérateur change. la dette a tendance, depuis 2008, à augmenter et le dénominateur; le nombre d’habitants tout autant. la natalité, en France, est vigoureuse – comme disent les statisticiens – et la population augmentant le résultat a tendance à baisser.
Sur le fond ce ratio ne veut rien dire. Si la dette finance des infrastructures ou des services publics, les générations futures en bénéficieront et par-là même le poids de la dette est acceptable parce que nécessaire.
Benjamin Lemoine, dans « L’ordre de la dette, enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché » (Éditions La Découverte, 2016) propose une lecture de sociologie politique de cette question. Le sous titre résume bien la problématique. L’État se trouve en situation de dépendance par rapport aux marchés financiers qui en tirent les plus grands profits. Ce sont les États qui sont responsables de cette situation. la déréglementation financière des années 1980 a complétement changé la donne. Thatcher et Reagan ont commencé cette révolution libérale suivis, dans un premier temps, par tous les pays développés – avec quelque retard du côté de l’Allemagne et du Japon – et, par la grâce de l’Uruguay Round à tous les pays du monde (en 1994). La création de l’OMC le premier janvier 1995 a parachevé cette construction de déréglementation.
A partir de ce moment – et de ce moment seulement, qui date, en France de 1986 – la dette publique a été livrée aux marchés financiers. Les obligations d’État – OAT, obligations au Trésor en France – ont été soumises au même régime que les titres privés.
Comme le démontre Lemoine, dans toute la période qui va de 1945 aux années 1980, l’État a bénéficié d’un financement hors marché, quasi gratuit. La dette n’était pas un pb et personne n’en parlait…
Cette enquête sur la dette de Benjamin Lemoine devrait être mise entre toutes les mains. Un livre d’utilité publique.

Définition de la crise de la dette.
La question se pose lorsque l’endettement présent sert à payer le service de la dette. Cet effet de cavalerie, comme on dit dans le beau monde de la finance, ouvre une spirale descendante. La dette appelle la dette sans rien changer au contexte. le pays devient dépendant de ses créanciers sans possibilité – comme le montre l’exemple de la Grèce – de changer la donne.
Le droit international par le de « dettes illégitimes » et propose de les annuler. Mais le droit international est en fait un code éthique. Aucune sanction n’est prévue… Ce même droit par le de « dettes odieuses » lorsque la dette s’est traduite par des instruments de répression envers les populations autochtones…
De manière plus pragmatique, le FMI, pour la Grèce, propose d’annuler la dette pour prendre en compte l’impossibilité du pays à faire face au service de sa dette alors qu’il a mis en oeuvre une politique d’austérité drastique qui se traduit, en 2016, par un excédent primaire, la différence Recettes/>Dépenses de l’État avant la prise en compte du service de la dette (remboursement venant à échéance + les intérêts). Le refus des pays de la zone euro, principaux créanciers de la dette publique grecque (avec la BCE) est plus revanchard – faire payer à la Grèce l’élection d’un gouvernement de gauche – qu’économique.
Soritr de l’euro est-ce la solution pour la Grèce ? Il faut rappeler que l’économie grecque pèse que 2% du PIB de la zone euro, qu’elle a perdu une partie de ses populations qui s’est exilée et que son PIB a baissé, depuis 2010, de 25%… La sortie ne peut qu’aggraver toutes les crises qu’elle subit de plein fouet. Le temps a manqué pour élaborer un plan de résistance. Il faut souligner aussi l’absence de soutien des autres pays de la zone euro à commencer par la France.
Re soulignons que le grand pb n’est pas la dette publique mais la dette privée comme le souligne de nouveau Lord Adair Turner in « Reprendre le contrôle de la dette », Éditions de l’Atelier avec une préface intelligente de Gaël Giraud.
Tous ces économistes insiste sur la nécessaire critique des modèles néo-classiques. Il faut insister une fois encore que la montée de l’endettement public provient de l’aide apportée aux banques pour éviter leur faillite. Les États se sont, de ce fait, massivement endettés à partir de 2008…
Le Figaro titre ce matin, 8 juin, sur la montée continue de l’endettement public en France. Au deuxième trimestre 2016, elle se montait, suivant l’INSEE à 2170,6 milliards d’euros
mais, Le Figaro, oublie de la préciser, le service de la dette avait diminué….

Je vous propose donc, pour ce dernier cours de l’année – le 13 juin est supprimé, le Panta répète – de revenir sur l’analyse de la dette publique qui passe par celle de l’État – l’année prochaine nous reviendrons sur les formes de l’État – pour remettre cette question en perspective.

A mardi.

Comme toute fin d’année, une auberge espagnole est proposée. Venez avec ce que vous voulez, vous pouvez. pour partager.

Nicolas.

PS Dans la semaine, je mettrai sur ce site un développement sur la question de la dette et sur la conjoncture. A suivre donc….