Petit précis d’économie critique

Un Macron économiste ?

Un ancien banquier devenu ministre de l’économie est-il pour autant un économiste ? Pas sur. Politiquement Emmanuel Macron, comme d’autres, surfe sur la mort de la gauche que l’on appellera « organisée » en partis pour s’approprier un mouvement. Le titre de sa future force politique est tout un programme : « En marche ». Les leçons italiennes ont été retenues. La gauche de gouvernement – pour reprendre en vocable que Hollande aime bien – ne pouvait que faillir à partir du moment où elle acceptait les fourches caudines du libéralisme. Elle donnait l’impression de trahir les aspirations de ses électeurs et électrices et, surtout, elle remettait en cause la légitimité de son existence, de sa nature. Les gouvernements Hollande ont multiplié les coups de couteau dans la définition même de la gauche, sur tous les terrains y compris celui de la morale avec la déchéance de nationalité. La crise politique est profonde et Macron peut naître et prospérer sur le désert des propositions.

Deux économistes, Thomas Porcher – aussi atterrés que je le suis – et Frédéric Farah se sont penchés sur le programme, via les déclarations de celui qui se veut le futur récipiendaire à la Présidence de la République. Le résultat tient dans ce petit livre : « Introduction inquiète à la Macron-Economie » qui est en même temps une petite leçon d’économie tout court – accessoirement de communication.
Il faut dire que Macron fait feu de tout bois. Entre « travailler plus », « le FN est un Siriza à la française » – un amalgame de la plus belle eau doublée d’une contre vérité – l’envie des jeunes Français d’être milliardaire, le statut de fonctionnaire de moins en moins défendable, le plus de souplesse au marché du travail, le conservatisme de gauche… j’en passe et des meilleurs, il fait la preuve de propositions qui datent d’avant la crise d’août 2007.
Il reprend aussi l’antienne de Jean Tirole, « la révolution numérique » – dont on parle depuis au moins 30 ans -, apanage du vide de la pensée de tous ces économistes qui ne jurent que par la déréglementation et par une forme de libéralisme qui s’appuie sur « Les Grands Équilibres », une utopie réactionnaire. L’autorégulation des marchés est une vieille lune qui a volé en éclats lors de la récession de 2008-2009.
Les auteurs décortiquent toutes ces déclarations qui ouvrent un boulevard à Marine Le Pen si elle continue dans la voie de s’approprier un programme que la gauche se trouve, aujourd’hui, incapable de défendre.
« Parfois l’horizon sombre comme la mer »… Un Macron qui fait profession d’être moderne en oubliant son bilan et celui du gouvernement qu’il a soutenu, c’est le comble du comble. Un petit livre bienvenu.
Nicolas Béniès
« Introduction inquiète à la Macron-Economie », Thomas Porcher et Frédéric Farah, Les petits matins.