L’art du trio
Le trio saxophone/Basse/batterie a connu ses heures de gloire avec Sonny Rollins, Joe Henderson, Warne Marsh et quelques autres. Comment le renouveler ? Comment ne pas répéter ce qui s’est déjà fait et de manière tellement aboutie.
Il faut prendre des chemins de traverse sans oublier le passé. Faire jouer les mémoires en même temps que la musique, c’est une des leçons importantes du jazz, pour faire surgir autre chose, des combinaisons originales. Jérôme Sabbagh, saxophoniste ténor et soprano, Allison Miller, batteur et Simon Jermyn, bassiste électrique s’y essaient se servant de leurs arrière-fonds culturels différents dans le creuset que représente encore New York pour le jazz. Le premier vient de France, le deuxième de Washington D.C., la capitale et le troisième d’Irlande et le tout veut faire « maigre » – « Lean » le nom aussi du management actuel qui veut supprimer la mauvaise graisse soit le nombre de salariés – pour provoquer, avec le peu de notes nécessaires mais des rythmes étranges, l’émotion et embarquer l’auditeur vers d’autres rivages. Le dernier thème, « Fast Fish » fait référence à la baleine blanche, « Moby Dick » et à Melville pour se situer dans la quête du Graal, de l’utopie de la fraternité. Plus encore aujourd’hui qu’hier. Sans oublier les réminiscences de cette cornemuse tout autant écossaise qu’irlandaise.
« Comptine » représente bien l’objectif du trio. Une mélodie simple, chantante, pour permettre toutes les entrées, toutes les références, Coltrane comme Warne Marsh. Des triangulations diverses pour balancer les différentes options, les différentes ouvertures et se laisser porter vers la haute mer à la recherche de soi-même pour se perdre dans les autres.
Une musique d’ouverture qui sait ne rien oublier de sa mémoire, une musique exigeante qui vient rompre une écoute trop traditionnelle – tout en la rappelant – pour provoquer l’écoute.
Nicolas Béniès.
« Lean », Jérôme Sabbagh/Simon Jermyn/Allison Miller, Music Wizards