Polar métaphysique
Si ce « Rendez-vous à Estepona » n’avait pas été signé par Ake Edwardson – créateur du commissaire Erik Winter et de ces enquêtes dans la Suède d’aujourd’hui renouvelant l’art d’un Henning Mankell, Mankell qui vient de nous quitter en ce début du mois d’octobre 2015 -, je ne vous en aurai pas parlé tellement cette absence d’intrigue soit laisse sur sa faim, soit fait rigoler un peu jaune soit dévoile la fin de l’écrivain Edwardson.
Un publicitaire suédois semble rattrapé par un passé dont on saura peu de choses sinon que c’est l’histoire d’un amour, « éternel et banal » chantait Dalida en reprenant une chanson mexicaine et d’une vengeance d’un de ses amis basque. Il part en Espagne – sur la Costa del Sol quand même – avec sa femme, Rita. S’ensuit un jeu de masques qui se dévoile à la fin sans que le lecteur y participe.
Une des lectures possibles est celle des interrogations d’Ake. Qu’est ce que la fiction ? La réalité ? Où s’arrête la puissance de création de l’auteur ? Les personnages se relèvent-ils à la fin comme au théâtre ou au cinéma ? Comment rendre compte de la réalité de notre monde ? Faut-il le faire ou se réfugier dans un monde métaphysique dans lequel la peur, l’angoisse n’existent pas ?
Ce questionnement, plutôt métaphysique, aurait pu faire l’objet d’un essai mais pas d’un polar. L’auteur voulait perdre – et sans doute se perdre aussi – le lecteur dans un labyrinthe où la voix du narrateur pouvait servir de faux guide et il n’arrive qu’à lasser le spectateur. La scène est vide et les masques n’ont pas besoin de tomber pour aller voir ailleurs si le soleil ne s’est pas levé sur un autre auteur.
Nicolas Béniès
« Rendez-vous à Estepona », Ake Edwardson, traduit par Rémi Cassaigne, 10/18