Histoire et histoires des Everglades.
Miami trimbale une réputation – méritée si l’on en croit James Carlos Blake dans « Red Grass River », soit les marécages rouges – de ville des trafics en tout genre dominée par la pègre. Blake voudrait raconter la constitution de la ville juste avant et juste après la Première guerre mondiale. Il part de 1912 pour dresser le portrait d’une famille, les Ashley, dominée comme il se doit par le patriarche. Ils se sont spécialisés dans le trafic de l’alcool frelaté. Le coup de fouet à leur commerce sera donné par la loi sur la Prohibition de la consommation d’alcool. Ce sera aussi le début de leurs ennuis.
L’auteur décrit bien le passage de l’artisanat à la grande – disons moyenne – industrie. Il faut investir, employer pour développer l’offre face à un marché dont la demande semble sans fin. Pour ce faire, il faut aussi soudoyer les représentants de la loi et, ainsi, faire circuler l’argent. Miami, pendant ce temps se transforme. Les marécages accueillent des constructions. La spéculation immobilière connaît des pics pour ensuite subir une crise profonde. Cette croissance en dents de scie, caractéristique de l’économie capitaliste est décrite presque sans y toucher.
La saga de la famille Ashley est moins intéressante même si la concurrence des truands venus de Chicago indique la fin probable de leur commerce. Ils ont plus de moyens et sont mieux organisés sous l’égide de Al Capone. Le patriarche ne comprend la nécessité du passage du capitalisme individuel à la société anonyme. Il est donc condamné malgré sa résistance.
Pour faire passer son conte – comment savoir si la réalité était conforme à l’histoire ? – il fait appel au « Club des menteurs », de ces journalistes et réalisateurs de cinéma inventant le mythe du « Western » tout en posant quelques questions qui se veulent dérangeantes.
« Red Grass River » permet d’illustrer une fois encore la fin du film de John Ford, « Qui a tué Liberty Valance ? » : lorsque la légende est plus belle que la réalité, il faut imprimer la légende ». Pour dire que « Le club des menteurs n’écrit pas l’Histoire mais nous balade avec des histoires plus ou moins divertissantes mais qui ont fait la réalité de l’Histoire des États-Unis. L’imaginaire de ces « Américains » provient à la fois du cinéma, des ces romans journalistiques et…de la musique.
« Red Grass River », James Carlos Blake, traduit par Emmanuel Pailler, Rivages/Noir.