Le silence est d’or, le jazz aussi ?
1989, l’année de la chute du Mur de Berlin et des débuts de l’unification de l’Allemagne, est aussi l’année de la publication du premier CD de ce groupe « The Silent Jazz Ensemble » construit par deux saxophonistes, Gebhard Ullmann et Helmut Engel-Musehold. Il se vendit relativement bien. Comme le note la feuille de présentation « As a result, the ensemble became one of the most successul German music groups in the marginal genre of jazz. »
Après bien des vicissitudes – le succès n’est pas un gage de durer – le groupe renaît de ses cendres. L’oxymore de départ – le silence et le bruit – est toujours présent même si le groupe se réduit désormais à un trio. Le saxophoniste, flûtiste est entouré d’un bassiste italien qui a fait ses classes à Berkeley, Roberto Badoglio et d’un batteur américain éduqué avec le nouveau son de la ville de Detroit, Ray Kaczynski pour une musique qui se réfère souvent à la musique arabo-andalouse mâtinée de Coltrane – difficile qu’il en soit autrement – tout en réussissant, par le biais d’une batterie décidée à ne respecter aucun code, à étonner. Ce « Nightwalker » – marcheur de la nuit – nous embarque dans sa drôle de course. Une manière aussi de s’interroger sur le monde qui se veut le notre.
Nicolas Béniès.
« Nightwalker », The Silent Jazz Ensemble, Double Moon Records, distribué par Socadisc.
Chapeau et chaussures
L’autre créateur du « Silent Jazz Ensemble », Gebhard Ullmann a constitué un orchestre qu’il a appelé « Basement Research » – recherche fondamentale ? – qui fête ses 20 ans. En 1994, le groupe était formé du saxophoniste Ellery Eskelin, du bassiste Drew Gress et du batteur Phil Haynes soit trois États-uniens pour une musique qui lorgnait du côté du free jazz et de la musique contemporaine.
Pour ce nouvel album, « Hat and shoes », Gebhard s’est entouré de deux États-uniens et non des moindres, Gerald Cleaver, batteur de Detroit, un des plus importants d’aujourd’hui et Steve Swell, tromboniste tout terrain – il a joué avec Lionel Hampton et Anthony Braxton, beau palmarès on l’avouera -, d’un bassiste allemand, Pascal Niggenkemper, renommé Outre-Rhin, d’un britannique Julian Argüelles, saxophone baryton connu des deux côtés de la Manche pour faire vivre ses compostions. Une musique dont la structure lorgne du côté des expériences du free jazz pour construire une musique du temps, une musique qui affirme la nécessité de la fraternité dans un monde qui la refuse avec obstination. Il faut entendre ces recherches, dépasser la première écoute qui déstabilise – c’est le but – pour aller vers elle sans a priori. En se souvenant de Adorno qui disait que l’œuvre qui perdure est celle qui est hermétique au premier abord. Il faut faire cette expérience d’essayer de rentrer dans un univers qui ne veut pas oublier les utopies de 1968…
Nicolas Béniès.
« Hat ans shoes », Gebhard Ullmann, Between The Lines, distribué par Socadisc.