Pour une histoire «ouverte »
Mis à part quelques égéries, Jeanne d’Arc, Jeanne Hachette – pour qui je garde une secrète admiration pour cette héroïne inventée -, les femmes ne font pas partie du paysage de l’Histoire. L’Histoire est souvent masculine. Les hommes font l’Histoire. Les femmes sont reléguées dans les histoires.
Une erreur profonde.
Qui commence à être corrigée. Les ouvrages se multiplient. L’un des derniers en date, « 1939-1945, Les Françaises au cœur de la guerre », réalisé en collaboration entre les éditions Autrement et le Ministère de la Défense, sous la direction de Evelyne Morin-Rotureau, permet de revisiter tous les grands thèmes de cette Histoire y compris celle de la Shoah, de ces « femmes juives en France ». Un nouvel éclairage de la vie au quotidien comme celle de la Résistance ou plus encore les conséquences de la politique de Vichy.
Les têtes de chapitre donnent une idée des sujets traités. « Subir l’Occupation », comment vivre ou survivre, comment se soustraire au type de rapports sexuels voulus par les autorités d’Occupation, à la politique familiale de Vichy et à la « Fête des Mères » instituée par le maréchal Pétain ? Comment les femmes se sont organisées face à l’occupant ? Elles militent, elles font partie des organisations de la Résistance. La Libération, « fête folle », se traduira par le doit de vote mais la libération dans la vie de tous les jours attendra…
Les auteur(e)s constatent aussi que les Résistantes disparaissent assez rapidement du paysage politique alors que les associations de Résistants fleurissent et vont occuper une très grande partie du terrain.
Les auteur(e)s ne font pas l’impasse sur les « oubliées de l’art » dont « les femmes remarquables dans le cinéma français sous l’Occupation ou Marlène Dietrich… Toute une histoire restés dans l’ombre…
L’iconographie, superbe comme souvent dans ce type d’ouvrage, se compose de plus de 200 photos et de documents d’époque. Elle appelle à poursuivre ce travail d’archives pour retrouver les traces de ces existences, de ces parcours.
Pourtant les figures de Résistantes existent – comme celle de Joséphine Baker – mais elles ont eu tendance à occulter la réalité de la volonté de survivre, de se libérer de toutes ces femmes qui ont voulu prendre en mains leur destin. Il fallait revenir sur cette période pour comprendre notre passé commun, pour que notre patrimoine s’enrichisse de cette Histoire. Pour comprendre aussi que le combat pour les droits de femmes est un combat pour les droits de tous les êtres humains.
Ce livre là ouvre des perspectives de travail à tous les historiens et pas seulement aux historiennes !
Nicolas Béniès.
« 1939-1945, les Françaises au cœur de la guerre », Ministère de la Défense/Autrement, sous la direction de Evelyne Morin-Rotureau.