Inclassable, Maupassant reste une référence.
Guy de Maupassant(1850-1893) fut entièrement de son temps. Toutes ses « Nouvelles et Contes » – 281 sur un total de 300 – réunis dans ce « Quarto » en témoignent. Ses romans, il en publie 6, sont plus ambitieux tout en digérant l’air du temps, de son temps, cet esprit tellement volatile que Hegel nomma « Zeitgeist » pour en faire un concept de l’esthétique. La guerre de 1870 est omniprésente dans ses conséquences, dans l’amertume qu’elle véhicule comme le souvenir de La Commune que toute la bourgeoisie française voudrait oublier. Un nouveau monde est en train d’éclore, le monde bien représenté par Jules Ferry, à la fois l’Ecole pour tous – pour toutes, il faudra attendre – et la colonisation. La IIIe République est remplie, c’est un sujet en tant que tel, de scandales.
L’homme Maupassant est lui-même un personnage de roman. Sa personnalité, son apparence ont souvent servi d’images pour qualifier son style. Sportif, amateur de sexe plus que de femmes, homosexuel, il a fait de la misogynie son fonds de commerce. Sans doute voulait-il se venger de sa mère en maculant toutes les femmes de sa syphilis. Paradoxalement, cette misogynie pathologique n’envahit pas son œuvre. Il préfère s’attaquer aux travers de cette classe possédante frileuse et rétrograde envahit par le respect des apparences et à s’en contenter. Prête à tout pour conserver son pouvoir. Il sait aussi, lui qui était né à Fécamp, camper l’univers sordide de la campagne aspiré par des intérêts médiocres. S’immerger dans Maupassant, c’est plonger dans un monde où toutes les valeurs des apparences volent en éclats. Le regard est dur, lucide, le style tranchant avec une touche d’humanité pour les « sans dents ».
L’écrivain, qui commença sous les auspices de Flaubert – son père spirituel – et eut comme amis Tourgueniev et Emile Zola ne se réduit à aucune des écoles de ce 19e siècle qui en compta énormément. Il avait fait vœu d’originalité et c’est la raison principale pour laquelle il faut lire et relire Maupassant. Il dira que la littérature est « simplement une illusion du monde », titre de la préface de Martine Reid, illusion qui est celle de la création romanesque. Il avait réussit ce tour de force d’être à la fois populaire et savant…
Nicolas Béniès.
« Contes et Nouvelles », Guy de Maupassant, édition établie par Louis Forestier, préface, Vie et Œuvre et notes de Martine Reid, Quarto/Gallimard, 1824 p.