Du ghetto de Watts (Los Angeles) à New York.
Walter Mosley est l’un des grands auteurs de polar américains. Sa saga sur l’histoire du ghetto noir de Los Angeles, Watts, a été une des grandes découvertes de la fin du siècle dernier. Son personnage, Easy Rawlins, a été l’une des figures du détective privé. Il ne cache pas d’être très inspiré par Raymond Chandler et Chester Himes. Il lui arrive de citer presque intégralement certains passages de Chandler.
A partir de 2009, il déménage. Il arrive à New York avec un détective privé – celui là a une plaque contrairement à Rawlins -, Leonid McGill. Leonid ressemble comme un frère à Easy Rawlins. Même code moral, même attitude, même révolte devant la société. Pour parfaire la ressemblance, il a aussi un ami tueur de son état. Ce deus ex machina permet de résoudre des enquêtes difficiles en maintenant le personnage central en vie.
McGill, comme Rawlins et comme Mosley est Noir. Dans la vie quotidienne aux Etats-Unis le fait est d’importance. Une différence cependant. Il a dans la cinquantaine et est marié à une femme qui ne l’aime pas et élève des enfants qui ne sont pas les siens. Incidemment, il est question d’éducation des enfants et des manières de ne pas être au monde des adolescents.
L’intrigue, simple – McGill est chargé de rechercher quatre hommes qui sont assassinés -, permet de visiter New York, des quartiers de la finance aux quartiers démunis sans retrouver le goût de raconter des histoires de ghetto comme dans la série précédente. Mosley semble moins à l’aise à New York qu’à Watts pour ce premier opus, « Le Vertige de la chute » dont le titre semble être un hommage à Albert Camus. « La chute » est l’une des grandes réussites de ce dernier.
Mosley mêle plusieurs pistes et s’y perd un peu. De temps en temps, il perd le fil de son histoire tout en se rattrapant aux branches.
Par rapport à la série précédente, un peu de déception se mêle au plaisir de retrouver cet auteur. L’osmose avec New York est plus difficile. La Ville-Monde ne se laisse pas facilement dompter…
On attend la suite tout de même. Ce Leonid, un nom qui fleure bon la guerre froide – son père était lié au communisme et a été un animateur de grèves -, a quelque chose qui attire la sympathie et ses prochaines enquêtes devraient le faire mieux connaître à condition de se différencier davantage des héros du passé.
Nicolas Béniès.
« Le Vertige de la chute. Une enquête de Leonid McGill », Walter Mosley, traduit par Christelle Bonis, Babel Noir, Actes Sud.
La mort parle…
Le Pays de Galles ne revendique pas, pour le moment, son indépendance contrairement à l’Ecosse qui va bientôt voter par referendum pour savoir si elle se détache du Royaume-Uni, mais défend sa culture et sa langue.
Harry Bingham fait une entrée dans le monde du polar, plus exactement du roman noir et policier, avec « La mort pour seul compagne », un titre aussi peu explicite que l’original « Talking To The Dead », parler avec la mort ou la morte ou le mort… L’auteur fait référence à une maladie rare dont le nom n’apparaîtra qu’à la fin du livre expliquant les tournants subis par Fiona Griffiths, une jeune femme devenue flic au commissariat de Cardiff.
Elle enquête sur un meurtre d’une prostituée à temps partiel et de sa fille de 6 ans en même temps qu’elle boucle une mise en accusation d’un ancien policier devenu ripoux. Les deux affaires se croiseront par le biais d’un riche dirigeant d’entreprise sadique.
L’intrigue policière est traitée classiquement, avec interrogatoires, recherches, rapports – informatisés bien sur – dans l’environnement de ce Pays de Galles qui résiste et d’une jeune recrue qui voudrait faire reconnaître ses méthodes et ses intuitions.
Cette surface cache un fil conducteur. La maladie de Fiona, ses angoisses, ses réactions. Le lecteur ne peut que s’interroger. Le suicide n’est jamais loin. Pourquoi ?
En croisant les intrigues, le mystère s’épaissit. Il prend ainsi le lecteur dans ses rets qui ne voit plus le temps passer.
Nicola Béniès.
« La mort pour seule compagne », Harry Bingham, 10/18
Pour de rire.
L’idée était intelligente, un correcteur se trouve en possession d’un livre qui dénonce un scandale, le nouveau titre, « Les souffrances du jeune ver de terre » au lieu de « Eloge de la vache folle » – un peu trop daté, 1996 – porteur et le résultat laisse comme un goût d’inachevé.
Le parti pris de faire rire d’un anti héros alcoolisé qui ne se remet pas du départ de son amour obère à la fois une intrigue à la force des mots et la patience du lecteur. Le « je » du roman –Frédéric Léger, et il ne l’est pas vraiment – s’auto déprécie continuellement navigant entre deux vins, deux alcools sans vraiment arrêter de flotter dans un environnement qu’il semble ne pas analyser.
Il est un chapitre remarquable où il parle de la perte d’un enfant et l’émotion est ici présente. Il aurait fallu d’autres chapitres du même tonneau – si je peux me permettre cette référence – pour intéresser le lecteur.
Il reste d’autres réussites surtout au début. Le rire est présent, l’intrigue bien campée et…tout se délite. Dommage. Il faut prendre au sérieux le polar sans esprit de sérieux… et mériter la référence à Goethe…
Nicolas Béniès.
« Les souffrances du jeune ver de terre », Claro, Babel Noir, Actes Sud.