Un drôle de jardin !
Bruno Jacquin, pour son entrée en littérature côté polar, n’a pas craint les embûches. Une enquête de deux journalises, l’un Anglais, l’autre français sur un massacre au Niger suivi d’un autre massacre pour cacher le premier. Les éléments s’assemblent un à un à partir pour former le puzzle d’intérêts enchevêtrés des deux vieilles puissances coloniales se protégeant l’une l’autre tout en défendant son pré carré. Le Niger c’est la source d’uranium pour Areva. Pas évident de mettre en scène tout ce petit monde qui se pense au-dessus des lois. L’actualité démontre tous les jours que la fiction est souvent en deçà d’une réalité où la barbarie est le lot quotidien. Un polar politique comme il se doit, inscrit dans le fonctionnement d’un monde qui a perdu le sens de toutes les valeurs. Les thèmes recoupent ceux du dernier John Le Carré, « Une vérité si délicate » (Le Seuil), dénonciation de la politique imbécile du New Labour. « Le jardin des puissants » – un titre bien trouvé pour situer ces élites autoproclamées qui prétendent diriger les affaires des pays – promet des lendemains qui chantent pour ce genre littéraire.
Un autre jardin, aristocratique celui-là…
Un autre premier roman, celui de Mitch Miller, « Opération Fleming » référence au père de « Bond, James Bond », autrefois agent secret au service de Churchill, son parrain. Sa mission, éviter le scandale pour la couronne britannique. L’ex-Edouard VII – il démissionna et devint « Prince de Galles », un titre qui n’existait pas – épousa une divorcée Wallis Simpson et le couple fut reçu par Hitler. L’ex Roi souhaité la victoire du nazisme. Un mélange de vrai, de vraisemblable et d’inventé pour dresser un portrait de la famille royale britannique qui baigne dans un anticommunisme puissant contre toutes les revendications des classes laborieuses. Intéressant et étrange tout à la fois du fait de l’héroïne, une historienne spécialiste du Moyen-Age.
Un jardin ouvrier
Odile Bouhier se trouve à mi-chemin des deux précédents. Elle veut faire la chronique du Lyon des années 1920 et des premiers pas de la police scientifique tout en mettant la lumière sur des faits historiques passés sous silence. Pour son deuxième opus des enquêtes du professeur Salacan et du commissaire Kolvair – unijambiste, il a perdu une jambe dans la cette première boucherie mondiale -, elle relate le bagne pour enfants et l’application de la première loi qui créa les juges pour enfants. Un polar historique et politique au titre énigmatique, « De mal à personne ». Une bonne histoire sans doute…
Nicolas Béniès.
« Le jardin des puissants », Bruno Jacquin, Les 2 Encres/sang d’encre ; « Opération Fleming », Mitch Silver, traduit par Paul Bénita, 10/18 ; « De mal à personne », Odile Bouhier, 10/18.