La reprise, la reprise crie-t-il en sautant comme un cabri…
L’été fut resplendissant. Un soleil de plomb, une chaleur décoiffante. Il n’en fallait pas plus pour faire taire toutes les craintes, toutes les angoisses. A la fin du mois d’août les journaux se faisaient l’écho d’une croyance des directions des grands groupes du CAC401 qui voyaient la fin de la crise. L’été avait été marqué, il est vrai, par de grandes fusions-acquisitions de ces grands groupes à commencer par Publicis.
Cet été a vu aussi une divine surprise. La croissance était de retour en France, + 0,5% au second trimestre suivant les estimations provisoires de l’INSEE s’expliquant, pour l’essentiel, par la reconstituions des stocks des entreprises et par un (faible) augmentation de la consommation des ménages due à un hiver rigoureux qui a fait monter les dépenses d’énergie. Les investissements productifs restent orientés à la baisse démontrant que le chemin d’un retour à une croissance durable n’existe pas encore. L’OCDE a changé sa prévision pour 2013 passant de – 0,3 à + 0,3%. Il n’en a pas fallu davantage pour que le gouvernement français pousse un cri de victoire. Ce résultat se devant de valider sa politique économique faite d’un mélange de néo libéralisme qui ne s’avoue pas, de cadeaux au patronat – et ils sont nombreux et nombreux à venir – et d’un discours sur la nécessité d’améliorer la compétitivité-prix d’une industrie française fortement démantelée. La compétitivité se traduit par la baisse drastique du coût du travail. Pierre Gattaz, le nouveau dirigeant du Medef ne cache pas sa volonté politique de combattre la gauche en exigeant toujours plus… d’attaques contre les salariés, les chômeurs et les retraités. Pour augmenter plus encore les profits. Dans quel but ?
La politique économique reste bloquée sur la baisse des dépenses publiques et des dépenses sociales déprimant les possibilités de relance du marché final. Le pouvoir d’achat des salariés et désormais des retraités est orienté à la baisse et ouvre la porte au risque de la surproduction, de la déflation et de la récession.
Les politiques des grands groupes, qu’ils soient industriels, financiers ou bancaires, sont, elles aussi, déflationnistes guidée par le souci de la rentabilité à court terme. Les entreprises ferment, se restructurent ou, comme PSA, accentuent la guerre sociale en proposant de baisser les salaires et augmenter le temps de travail. Le mouvement global de restructuration est en cours. La « reprise » n’est qu’une croyance, dans ces conditions. Le chômage restera à un niveau élevé. Même si François Hollande peut gagner son pari d’une diminution à la fin de cette année à coup d’emplois aidés ou de modification du questionnaire de l’INSEE « qui fait virtuellement baisser le chômage ».2
Dans le même temps, la tempête financière semble se calmer. Sur le front de l’euro, la spéculation s’est arrêtée. Les divergences entre les économies de la zone restent cependant profondes. Grèce, Portugal, Espagne, Italie (menacée de crise politique par Berlusconi), Eire, Chypre restent fragiles et ont besoin de nouveaux plans de soutien. Ils seront rejoints par la Slovénie en passe de demander à son tour l’aide de l’UE.
A coups de déclarations rassurantes, Mario Draghi, le gouverneur de la BCE a rassuré momentanément les marchés financiers. Il a promis de racheter toutes les obligations des dettes souveraines des Etats de la zone. Pour le moment, les taux d’intérêt des emprunts à 10 ans des pays comme l’Italie ou l’Espagne ont baissé mais restent autour de 4%, alors que ceux de l’Allemagne et de la France remontent. Le service de la dette augmentera. Les déficits publics aussi.
Comme ses homologues des dirigeants des banques centrales des pays développés, Mario Draghi a inondé les marchés, les banques, de devises sans pour autant relancer le crédit ni aux PME, ni aux ménages encore moins aux grandes entreprises. Le processus de désendettement se poursuit dans un contexte d’incertitudes grandissantes. La politique de la FED, la banque de réserve fédérale américaine, n’est pas fixée. Ben Bernanke devrait avoir un(e) successeur(e) et personne ne sait que la politique de QE – quantitative easing – soit du crédit à bon marché, se poursuivra. Les pays émergents connaissent à la fois une crise de la dette avec le départ des capitaux spéculatifs et une attaque en règle contre leur monnaie et, en réaction, une montée de leur taux d’intérêt qui risque de tuer une croissance déjà en berne. Sans parler des éclatements géopolitiques du monde arabe, du risque lié à l’intervention en Syrie ni de toutes les questions non résolues qui flottent dans l’air de cet automne…automnal.
Nicolas Béniès.
1 Pour Cotation Assistée en Continu, indicateur principal de la Bourse de Paris qui réunit les 40 valeurs les plus importantes tous secteurs confondus alors que le Dow Jones ne reprend que les 30 valeurs industrielles les plus importantes de la Bourse de New York.
2 Le Monde daté du 6 septembre 2013.
Publié dans la revue de l’École Émancipée.